Jurisprudence Sociale : le Barème Macron dépassé par une nouvelle Cour d’appel dans un arrêt du 16 mars 2023

Jurisprudence Sociale : le Barème Macron dépassé par une nouvelle Cour d’appel dans un arrêt du 16 mars 2023

Le barème Macron a fait couler beaucoup d’encre et continue à faire débat. Si la Cour de cassation a confirmé la validité le dispositif, plusieurs juges du fond y résistent. Après une première décision qui a fait grand bruit en octobre 2022, c’est un arrêt rendu le 16 mars 2023 par la Cour d’appel de Grenoble qui revient sur ce barème. Il faut donc anticiper la possibilité que le barème ne soit pas appliqué.

Pour rappel, qu'est-ce que le Barème Macron ?

C'est un dispositif visant à encadrer le montant des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le barème Macron est une grille utilisée pour déterminer les indemnités versées à un salarié lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’est pas réintégré. Ce barème comprend des planchers et des plafonds obligatoires en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l'entreprise, que les juges sont obligés d’appliquer.

Il y a en réalité deux barèmes Macron, l’un étant spécifique aux entreprises de moins de 11 salariés

Pourquoi y a-t-il aujourd'hui débat ?

Par deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation a considéré que le barème Macron était parfaitement valable et qu'il respectait les dispositions de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT ainsi que celles de l'article 24 de la Charte sociale Européenne.

Certains juges du fond (conseils de prud'hommes et désormais cour d'appel) sont de plus en plus nombreux à y résister.

Le 21 octobre 2022, une première Cour d’appel a pris une position novatrice considérant que le barème ne permettait pas, dans le cas qu’elle devait trancher, une « réparation adéquate » : l’indemnisation légale prévue apparaît insuffisante eu égard aux charges de famille du salarié, à ses difficultés à retrouver un emploi (CA Douai, 21 oct. 2022, n° 20/01124).

Nous avions rédigé un article sur cet arrêt et avons gardé depuis une grande vigilance dans l’examen des arrêts sur ce sujet (relire l'article en cliquant ici).

Aujourd’hui, c’est au tour de la Cour d’appel de Grenoble d’écarter l’application du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans un arrêt du 16 mars 2023.

Principal motif retenu : depuis les ordonnances, le gouvernement n’a pas réalisé d’examen régulier du barème, contrairement aux récentes recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Quels étaient les faits de l’espèce devant la Cour d'appel de Grenoble ?

En l’espèce, un litige opposait une réceptionniste polyvalente à son employeur dans le cadre d’une action en résiliation judiciaire. À 56 ans et avec huit ans d’ancienneté, elle avait saisi le Conseil de prud’hommes de Grenoble pour solliciter la résiliation de son contrat aux torts de l’employeur.

Cette résiliation a été prononcé par les juges du fond, et a produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, déclenchant l’application du barème pour le calcul de l’indemnisation correspondante.

Le salarié pouvait prétendre, selon le barème Macron, à 8 mois de salaire maximum, soit 24.800,00 euros.

En appel, le salarié sollicite 40.000,00 euros soit 12 mois de salaire. Elle obtient gain de cause. Les juges de Grenoble lui accordent cette indemnité dépassant ainsi le plafond.

Sur quel fondement le barème a-t-il été écarté dans l'arrêt du 16 mars 2023 ?

La Cour d’appel de Grenoble lui donne raison au motif que « lesdits barèmes sont entrés en vigueur le 24 septembre 2017 et aucune évaluation n'a été faite de ceux-ci dans les conditions sus-mentionnées de sorte qu'il manque une condition déterminante pour que les barèmes de l'article L 1235-3 du code du travail puissent trouver application dans le litige soumis à la juridiction si bien qu'il y a lieu de les écarter purement et simplement ».

Elle apprécie donc ensuite souverainement l’étendue du préjudice causé à la salariée par la perte injustifiée de son emploi, afin de lui assurer une réparation adéquate au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.

L’arrêt souligne que, dans le cas présent, la salariée « justifiait de la persistance dans le temps de sa précarité au regard de l’emploi, étant observé qu’elle était âgée de 57 ans au jour de son licenciement et éprouvait manifestement des difficultés sérieuses à retrouver à la fois un emploi stable et un niveau de rémunération équivalent ».

Les juges du second degré en concluent que l’indemnisation maximale prévue par le barème, à savoir huit mois de salaire, était insuffisante.

Le fondement de la Cour d’appel de Grenoble est différent de la résistance opérée par la Cour d’appel de Douai.

Les magistrats ont en effet considéré qu’il a été « mis à la charge du gouvernement français une obligation particulière dans le cadre de l’application de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, par le conseil d’administration de l’OIT », à savoir examiner à intervalles réguliers, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités du barème Macron, de façon à s’assurer que les paramètres d’indemnisation prévus permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi.

Cette évaluation régulière n’ayant pas été réalisée depuis le 24 septembre 2017, date d’entrée en vigueur du barème, les juges grenoblois l’écartent « purement et simplement » du litige.

La mise à l’écart du barème n’est donc pas fondée dans cette affaire, contrairement à la Cour d’appel de Douai, sur un contrôle de conventionnalité in concreto.

L’OIT a formulé une simple invitation au gouvernement français d’examiner régulièrement le barème : en effet, les décisions de l’OIT ne sont pas contraignantes juridiquement.

Quel enseignement doit-on tirer de cette évolution jurisprudentielle ?

Le premier enseignement consiste à prendre conscience que, dans un certain nombre de situations, le barème MARCON peut, en définitive, être écarté.

Pour le salarié, il peut y avoir évidemment un intérêt évident.

Pour l'employeur, il faut évidemment anticiper cette hypothèse.

Dans ces conditions, plus que jamais, au lieu d'en passer par un contentieux parfois long ou aléatoire, une solution négociée peut être tout à fait indiquée.

Notre cabinet a développé une culture de la négociation et de la médiation.

Les avocats sont effectivement là pour obtenir dans les meilleurs délais possibles la meilleure décision possible pour la défense des intérêts qu'ils représentent.

Contactez-nous

Nous continuerons à surveillerons avec attention l'évolution de ces décisions et le positionnement de la Cours de cassation en cas de pourvoi.

L’équipe du Pôle Social dirigé par Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN se tient bien entendu à votre disposition pour répondre à vos questions et vous accompagner sur ces sujets.

Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
echauvin@emo-avocats.com

Clémence MOREAU
Avocat
Pôle social du cabinet EMO AVOCATS
cmoreau@emo-avocats.com

Source :

Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, Section B, Arrêt du 16 mars 2023, Répertoire général nº 21/02048