Coronavirus Covid 19 : Précisions sur les reports d'échéances et les délais concernant les astreintes, les clauses pénales et les clauses résolutoires

Coronavirus Covid 19 : Précisions sur les reports d'échéances et les délais concernant les astreintes, les clauses pénales et les clauses résolutoires

Nicole Belloubet, ministre de la justice, Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et Julien Denormandie chargé de la ville et du logement, ont présenté au conseil des ministres une ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

L'article 4 de cette ordonnance complète et modifie le régime des clauses résolutoires, pénales et prévoyant une déchéance, ainsi que des astreintes prévues aux contrats, pour redéfinir la période pendant laquelle elles sont privées d’effet compte tenu des mesures prises pour faire face à l’épidémie.

De quoi s’agit-il ?

A titre liminaire, une précision est nécessaire quant aux conditions dans lesquelles le régime dérogatoire résultant de ces ordonnances s'achèvera. L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a instauré un dispositif de report de divers délais et dates d'échéance. Elle a défini pour cela, au I de l'article 1er, une « période juridiquement protégée » qui court à compter du 12 mars 2020 jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. A ce jour, compte tenu des dispositions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, la durée de l'état d'urgence sanitaire est prévue pour s'achever le 24 mai 2020, de sorte que la « période juridiquement protégée » s'achèverait un mois plus tard, soit le 24 juin 2020.

L'article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 était rédigé comme suit :

Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er.

Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.

Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er.

L'article 4 de l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 remplace le deuxième alinéa de l'article précité par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.

« La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, autre que de sommes d'argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l'article 1er, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période. »

Analyse

1. S'agissant des clauses et des astreintes qui sanctionnent l'inexécution d'une obligation échue pendant la période juridiquement protégée, l’ordonnance modifie la date à laquelle ces clauses et astreintes prendront leur cours ou leur effet.

Le report n'est plus forfaitairement fixé à un mois, comme initialement prévu, mais il sera égal à la durée d'exécution du contrat qui a été impactée par les mesures résultant de l'état d'urgence sanitaire.

Par exemple, si une échéance était attendue le 20 mars 2020, c'est-à-dire huit jours après le début de la période juridiquement protégée, la clause pénale sanctionnant le non-respect de cette échéance ne produira son effet, si l'obligation n'est toujours pas exécutée, que huit jours après la fin de la période juridiquement protégée, soit le 1er juillet 2020.

De même, si une clause résolutoire, résultant d'une obligation née le 1er avril devait prendre effet, en cas d'inexécution, le 15 avril, ce délai de 15 jours sera reporté à la fin de la période juridiquement protégée pour que le débiteur puisse encore valablement s'acquitter de son obligation avant que la clause résolutoire ne prenne effet, soit le 8 juillet 2020.

2. L’ordonnance ajoute un dispositif de report du cours des astreintes et de la prise d'effet des clauses pénales, résolutoires et de déchéance lorsque celles-ci sanctionnent l'inexécution d'une obligation, autre que de somme d'argent, prévue à une date postérieure à la fin de la période juridiquement protégée.

En effet, même après l'expiration de cette période, certains débiteurs d'une obligation de faire se trouveront, du fait des difficultés imposées par le confinement, dans l'impossibilité de respecter les échéances auxquelles ils sont engagés.

Le report sera donc calculé, après la fin de la période juridiquement protégée, en fonction de la durée d'exécution du contrat qui a été impactée par les contraintes du confinement.

Par exemple, si un contrat de travaux antérieur au 12 mars 2020 prévoit la livraison du bâtiment à une date qui échoit après la fin de la période juridiquement protégée, la clause pénale sanctionnant l'éventuelle inexécution de cette obligation ne prendra effet qu'à une date reportée d'une durée égale à la durée de la période juridiquement protégée, soit 74 jours ouvrés (104 jours ouvrables).

Les clauses et astreintes sanctionnant les obligations de sommes d'argent sont exclues de ce second dispositif applicable aux échéances postérieures à la fin de la période juridiquement protégée.

En effet, l'incidence des mesures résultant de l'état d'urgence sanitaire sur la possibilité d'exécution des obligations de somme d'argent n'est qu'indirecte et, passé la période juridiquement protégée, les difficultés financières des débiteurs ont vocation à être prises en compte par les règles de droit commun (délais de grâce, procédure collective, surendettement).

Les parties au contrat restent libres d'écarter l'application de cet article par des clauses expresses notamment si elles décident de prendre en compte différemment l'impact de la crise sanitaire sur les conditions d'exécution du contrat. Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions de cet article.

Pour aller plus loin, lisez l'article : « Coronavirus Covid-19 : Vient de paraître une nouvelle ordonnance qui modifie ou précise l’état d’urgence sanitaire et le droit applicable notamment aux délais et dates d’échéance », paru le 16 avril 2020.


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Frédéric CANTON
Avocat associé
En charge du Pôle Droit des affaires au sein du Cabinet EMO AVOCATS
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avocat - membre du Pôle Droit des affaires au sein du Cabinet EMO AVOCATS
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Références :
Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020
Autre article sur la modification des délais et dates d'échéance


Documentation