Marchés publics : quelle indemnisation pour le candidat évincé à l'issue d'une procédure irrégulière de passation d'un contrat de la commande publique ?

Marchés publics : quelle indemnisation pour le candidat évincé à l'issue d'une procédure irrégulière de passation d'un contrat de la commande publique ?

Chacun sait que les marchés publics sont soumis à des règles strictes.

Elles figurent dans l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 qui fonde les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Le code des marchés public a été abrogé par l'Ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics à compter du 1er avril 2016.

En attendant le nouveau code de la commande publique, le droit des marchés publics est ainsi régi par cette ordonnance de même que par son décret d'application n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

Par un arrêt n°393720 du 10 février 2017, le Conseil d’Etat est venu utilement préciser les règles gouvernant l’indemnisation d’un candidat évincé de l’attribution d’un contrat public.

Les faits ayant donné lieu à la décision ici commentée peuvent être succinctement résumés comme suit :

Un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) avait initié une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché de construction d’une maison de retraite.

L’une des sociétés ayant soumissionné pour l’attribution du lot n°2 « gros œuvre » de ce marché, informée du rejet de son offre, a saisi le tribunal administratif de Besançon d’une requête tendant à l’indemnisation de son préjudice financier lié aux frais exposés vainement pour la présentation de son offre et à un manque à gagner.

Après moult vicissitudes ayant émaillé la conduite de cette action et un premier arrêt de cassation avec renvoi, l’affaire est revenue une seconde fois devant le Conseil d’Etat qui a statué sur le principe de l’indemnisation.

Il est dès à présent nécessaire de rappeler, ainsi que l’a jugé la Haute Juridiction dans son arrêt n°249630 rendu le 18 juin 2003, que, saisi d’une demande de réparation du préjudice née de l’éviction d’un soumissionnaire, « il appartient (d’abord) au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ».

C’est une condition nécessaire et préalable à l’examen du bien-fondé des prétentions indemnitaires du candidat évincé.

Si l’entreprise était dépourvue de toute chance de succès, elle ne peut prétendre à aucune indemnisation. Dans le cas contraire, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre.

Il appartient (ensuite) au juge « de rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché ». Si tel est le cas, « l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique ».

Il incombe en toute hypothèse au candidat évincé d’établir que l’irrégularité commise a eu une incidence sur son éviction et l’a donc privé d’une chance – simple ou sérieuse – de remporter le marché.

Ainsi appartient-il au juge de vérifier que l’irrégularité litigieuse, à la supposer établie, « est la cause directe de l’éviction du candidat et, par suite, qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation » (CE, 10/07/2013, n°36277)

C’est ce qu’est venu rappeler avec force le Conseil d’Etat dans l’arrêt présentement commenté.

Et les juges du Palais Royal de préciser que :

« (…) lorsque l'irrégularité ayant affectée la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction ; que sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée ».

Au cas d’espèce, si le Conseil d’Etat a admis, à l’instar des juges d’appel, que la société requérante « n’était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché », il n’en a pas moins considéré que l’irrégularité ayant affecté la procédure –soit, la méconnaissance des dispositions de l’article 50 de l’ancien code des marchés publics- « n’a pas été la cause de l’éviction de la société (…) et, qu’ainsi, il n’y avait pas de lien direct de causalité entre l’irrégularité de la procédure et le préjudice dont la société demandait la réparation ».

De sorte que le candidat évincé ne pouvait prétendre à aucune indemnisation.

Cette illustration récente témoigne de l’importance de la manière qu’il convient de présenter un dossier à l’occasion d’un appel d’offres.

Dans le domaine du droit des contrats publics, notre cabinet intervient tant en matière de conseils que de contentieux, auprès des entreprises candidates aussi bien qu’aux côtés des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices.

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Sandrine GILLET
avocat associée en charge du Pôle Droit administratif du cabinet EMO HEBERT, titulaire du certificat de spécialisation en droit public
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