Voici une illustration récente de ce principe dégagé en jurisprudence
Une célébrité exposait avoir découvert la publication d’un article sur un site Internet d’informations people faisant état de sa présence aux côtés de son compagnon au parc des Princes alors qu'elle assistait à un match de Ligue des Champions opposant deux grands clubs de football.
L’article était illustré de plusieurs clichés photographiques la représentant.
Elle avait fait constater par huissier de justice la teneur de l’article les désignant nommément et intitulé “Complices survoltés pour le PSG”.
Estimant cette publication attentatoire à ses droits, elle avait assigné la société éditrice du site Internet aux fins de réparation du préjudice causé par l’atteinte à ses droits au respect de la vie privée et à son droit à l’image sur le fondement des dispositions des articles 9 du code civil et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Elle entendait obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la société défenderesse à lui payer une somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts ; que soient ordonnés, sous astreinte, une mesure de publication judiciaire, le retrait des 45 clichés volés reproduits sans son autorisation et la remise à son conseil par la défenderesse des factures, bons de commande ou contrats de cession de droits d’auteur relatifs à l’acquisition des droits de diffusion des 45 clichés volés auprès de l’agence de presse concernée ; que soit fait interdiction sous astreinte à la société éditrice de céder, de reproduire ou diffuser par tout moyen, sur tout support, auprès de quiconque et de quelque manière que ce soit, les clichés la représentant, l’octroi d’une indemnité de 3.500 euros au titre des frais exposés en sus des dépens.
Au soutien de sa demande, elle exposait notamment que, sous prétexte de rendre compte d’un match de football, le site diffusait sans son autorisation 45 clichés volés la surprenant dans des moments de détente et de loisirs avec son compagnon dans les tribunes au milieu du public, loin des loges officielles du parc des Princes, dans des poses ridicules et dégradantes au mépris de son image “glamour” habituelle, chacune de ces photographies étant accompagnée de diverses légendes.
Sur le préjudice, elle faisait valoir que celui-ci étai aggravé par le nombre important des clichés volés reproduits sur le site qui témoigne la traque dont elle fait l’objet aux seules fins de satisfaire la curiosité du public sur un site de large diffusion, ce malgré sa volonté notoire de discrétion.
En défense, la société éditrice du site Internet concluait au débouté de l’ensemble des demandes dont le tribunal était saisi.
Elle faisait valoir en substance que l’ensemble des informations contenues dans l’article en cause était consacré à un événement sportif qu’est le match de quart de finale de la ligue des champions disputé entre le FC Barcelone et le PSG, que le contenu litigieux illustrait cet événement auquel assistaient de nombreuses personnalités, dont la demanderesse et son compagnon, et s’inscrivait donc dans le commentaire de l’actualité sportive.
Elle précisait que le contenu de l’article qui n’était pas en lui-même critiqué évoquait la complicité de la requérante et de son compagnon notoire et que les clichés la représentaient dans des postures de supporter et non dans des positions ridicules ou dégradantes, dans les tribunes du parc des Princes qu’elle avait l’habitude de fréquenter, sa présence ayant été relevée dans plusieurs médias généralistes sans réaction de sa part.
La défenderesse considérait que la demanderesse ne pouvait ignorer qu’elle serait dans le champ des photographes et des caméras de télévision chargés de rendre compte du match concerné et qu’elle avait donc implicitement mais nécessairement rendu publique sa participation à cette manifestation, en déduisant que la publication des clichés en cause ne relevait pas de sa vie privée mais appartient par nature à le vie publique.
Elle ajoutait en outre que l’atteinte invoquée par la requérante devait s’apprécier à l’aune de sa complaisance dans l’évocation de sa vie privée et sentimentale et des conditions dans lesquelles son image était représentée à l’occasion de sa présence régulière lors de manifestations sportives diverses.
Elle insistait enfin sur la tolérance de la requérante à l’égard des sites tiers qui sont à l’initiative de la divulgation des clichés litigieux et qu’elle ne poursuivait pas ce qui de tous sens devrait inciter le tribunal à ramener les demandes indemnitaires de celle-ci à de plus justes proportions.
Dans son jugement du 16 mars 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre rappelle que l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 9 du code civil « garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image ».
Il rappelle à l’inverse que l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
Le tribunal en déduit que « la combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public, d’une part, aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle et, d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général ».
Et d’objecter que « contrairement à ce que fait valoir la défenderesse, la propension de Mme X. à s’exprimer auprès des médias sur sa vie personnelle, à la supposer établie, si elle peut être prise en considération pour l’évaluation du préjudice, ne prive pas cette dernière du droit qui lui est conféré, notamment par les dispositions de l’article 9 du code civil, de s’opposer à la révélation d’éléments relevant de sa vie privée sur lesquels elle ne s’est pas exprimée et qui n’est pas justifiée par un débat d’intérêt général ou un événement d’actualité ».
Le tribunal relève ainsi que : « Si la société éditrice pouvait légitimement relater l’événement d’actualité qu’était le match qui opposait le PSG et le FC Barcelone le 15 avril 2015 à l’occasion de la ligue des champions, tel n’est pas le cas de la présence à ce match de Mme X. en compagnie de M. Y., qui n’a aucun lien avec l’actualité “footballistique”. En effet, la présence d’une personnalité publique à une manifestation sportive dans les tribunes parmi des anonymes, aussi médiatisée soit cette manifestation, relève des loisirs de celle-ci et appartient à la sphère privée de cette dernière. Or, il n’est pas démontré par la société éditrice que la demanderesse était présente à ce match dans le cadre de ses activités professionnelles ni que par sa présence dans les tribunes officielles du parc des Princes aux côtés d’autres personnalités, tribunes sous les feux des médias, cette dernière a manifesté sans ambiguïté sa volonté de faire entrer dans le champ public sa participation à cet événement sportif ».
Ainsi, pour le tribunal, la publication de 45 clichés représentant la requérante dans les tribunes du parc des Princes dans des moments de détente en train d’assister à titre personnel à un match de football en fervente supportrice porte atteinte à sa vie privée, sa seule présence à un événement sportif ne pouvant être considéré comme une information à caractère public, sauf à méconnaître la liberté d’aller et venir de la demanderesse, quelle que soit sa passion pour le sport.
Et d’en conclure que « la reproduction sans son autorisation des clichés la représentant méconnaît en outre son droit à l’image ».
Le tribunal ajoute que la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle ces clichés ont été antérieurement diffusés par d’autres médias, est inopérante dans le cadre de l’appréciation de l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image, cette diffusion n’ayant pas été consentie par la demanderesse qui conserve le choix d’agir contre telle société éditrice plutôt qu’une autre.
En réparation du préjudice, le tribunal rappelle que la loi laisse un large pouvoir d’appréciation au juge pour empêcher ou à faire cesser l’atteinte ainsi qu’à en réparer le préjudice, son évaluation étant appréciée au jour où il statue.
Le tribunal estime ainsi que l’ensemble de ces clichés pris dans un lieu public à l’occasion d’un match de football représentant la requérante passionnée par le jeu qui se déroule devant elle, laissant éclater sa joie ou adoptant une mine plus sombre selon son appréciation du match, ne la montrait pas, malgré ce qu’elle soutenait, dans des poses ridicules ou dégradantes mais comme une supportrice apparaissant apprécier pleinement le match auquel elle assiste.
Il estime aussi que l’ampleur de la diffusion de l’article n’est pas démontrée, le procès-verbal de constat précité montrant que l’article n’apparaît qu’après la consultation de plusieurs pages lorsque le nom de Mme X. est saisi par l’internaute à titre de requête.
Il relève également que la défenderesse a, à plusieurs reprises, dévoilé aux médias des éléments relevant de sa vie privée se confiant sur ses habitudes de vie, ses loisirs, ses passions artistiques ou pour le jeu, sa vie de famille, son rôle de mère suscitant ainsi l’intérêt du public.
En outre, elle n’établirait pas l’ampleur des conséquences qu’elle invoque, des révélations publiées dans l’article litigieux sur elle-même ou son environnement familial, étant relevé qu’elle a attendu un certain temps après la publication de l’article en cause pour introduire son action indemnitaire, ce qui témoignait de son moindre impact sur l’intéressée.
La société éditrice ne démontrait pas de manière certaine avoir retiré l’article en cause avant l’assignation.
En considération de ces éléments, le tribunal a estimé que le préjudice de la requérante pourrait être réparé à hauteur d’une somme de 1.000 euros au titre de l’atteinte à ses droits de la personnalité, sans qu’il soit besoin d’accueillir à titre de réparation complémentaire, la demande de publication d’un communiqué judiciaire qui apparaît au vu de ce qui précède disproportionnée.
La société éditrice du site était par ailleurs condamnée à lui verser une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le coût du procès-verbal du constat d’huissier.
Enfin, pour le tribunal, la nature de l’affaire, en particulier son caractère indemnitaire, justifiait que l’exécution provisoire soit prononcée.
En conclusion
Ce n’est pas parce qu’un personnage public assiste à un évènement sportif par essence public qu’elle ne peut invoquer la protection de la sphère privée dans laquelle elle s’estimerait se situer en assistant à cet évènemnt, et donc demander à voir sanctionner toute atteinte à ses droits à l’image et au respect de sa vie privée.
Pour autant, les juges sont attachés à restituer aux faits préjudiciables leur exacte mesure en fixant le montant des indemnités pouvant être allouées en cas d’atteinte à ces droits.
Aussi, avant toute publication, faut-il mesurer le risque d’atteinte au droit à l’image des personnes, fussent-elles des personnalités publiques, ainsi que leur conséquence sur le plan financier.
Notre cabinet est habitué à évaluer ce risque.
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