Harcèlement au travail : fermer les yeux est une faute

Harcèlement au travail : fermer les yeux est une faute

L’inaction d’un cadre de direction constatant le comportement harceleur d’un responsable de site peut être constitutive d’une faute disciplinaire.

C’est l’enseignement que l’on doit tirer d’une espèce jugée récemment devant la Cour de cassation.

Voici les faits.

Au moment de sa démission, le salarié d’un hypermarché dénonce la politique de harcèlement moral menée par le directeur du magasin où il travaillait.

Le groupe d’hypermarchés décide de mener une enquête interne.

La trentaine de témoignages recueillis chez les salariés du magasin conduit à un rapport accablant. Il y est évoqué un climat de terreur, la crainte de perdre son emploi sans raison, des humiliations, une perte de confiance, des démissions sous la contrainte, la manipulation des proches collaborateurs suivant la devise « diviser pour mieux régner », etc…

Suite à ce rapport, le directeur du magasin est licencié pour faute grave.

Mais, en outre, la direction du groupe décide également de licencier la directrice des ressources humaines (DRH) du magasin au motif, selon la lettre de licenciement, qu’en sa qualité de cadre supérieure, membre du comité de direction, elle avait cautionné les agissements inacceptables de son responsable sans intervenir, voire même en y participant.

Pour la direction du groupe, elle a manqué à l’obligation de sécurité pesant sur tout travailleur, conformément à l’article L4122-1 du Code du travail qui dispose « qu’il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. »

La DRH a contesté son licenciement au motif qu’il ne pouvait lui être reproché des faits qui ne lui étaient pas personnellement imputables. Elle avançait qu’en outre, son inertie était due à l’absence de moyens organisationnels mis en place par la direction du groupe qui, s’ils avaient existés, lui auraient alors permis de dénoncer les agissements en question.

La Cour d’appel de Toulouse a jugé que le licenciement de la DRH était fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce que la Cour de cassation vient confirmer.

Tout d’abord, la Cour de cassation prend soin de relever deux éléments :
La connaissance par la salariée du comportement inacceptable du directeur du magasin à l’encontre de ses subordonnées, et en outre son association à celui-ci ;
L’absence de réaction de la DRH au regard de ses fonctions qui impliquaient une mission particulière en matière de management, de veiller au climat social et à des conditions de travail « optimales » pour les collaborateurs.
En outre, la définition contractuelle de ses fonctions précisait qu'elle devait « mettre en œuvre, dans le cadre de la politique RH France, les politiques humaines et sociales » et que le responsable des ressources humaines est « un expert en matière d'évaluation et de management des hommes et des équipes ».

Ainsi, la Cour de cassation retient qu'en cautionnant les méthodes managériales inacceptables du directeur du magasin avec lequel elle travaillait en très étroite collaboration, et en les laissant perdurer, la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles et avait mis en danger tant la santé physique que mentale des salariés.

Cet arrêt témoigne du fait qu’en matière de harcèlement moral, l’auteur direct des agissements peut ne pas être le seul à encourir une sanction.

Les cadres de direction, et notamment les responsables hiérarchiques des auteurs d’agissements de harcèlement moral, ont un rôle à jouer pour prévenir et empêcher les dérapages qui surviendraient au détriment des salariés subordonnés.

Manquer à ce devoir de prévention des risques et laisser perdurer des abus d’autorité pourraient conduire à des sanctions personnelles.

Cet arrêt illustre combien il apparaît important aux yeux des juges que tous les acteurs du monde de l’entreprise doivent se sentir concernés face à des situations qui dépassent les limites des relations normales de travail.

Cet arrêt doit appeler tous les managers à mener en interne une réflexion et, le cas échéant, consulter un conseil pour savoir s’il faut agir et surtout comment agir.

Pour aller plus loin, lisez
Cass. Soc., 8 mars 2017, n°15-24.406

Et pour tous renseignements,
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Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé
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