Jurisprudence : La saga de la problématique entretien préalable et accident du travail – du nouveau devant la cour d’appel

Jurisprudence : La saga de la problématique entretien préalable et accident du travail – du nouveau devant la cour d’appel

Le contentieux ne cesse d’être alimenté par de nouvelles décisions relatives aux entretiens préalables déclenchant des accidents du travail.

Voici la dernière en la matière : CA de Paris, 4 octobre 2024, RG n°21/08501.

Quels sont les faits ?

Une salariée occupe le poste d’attachée commerciale depuis le 31 mars 2014. Elle déclare avoir subi un accident du travail le 20 février 2018 consécutivement à l’entretien préalable difficile qu’elle a eu avec la Direction de l’entreprise.

Le 13 juin 2018, la CPAM a pris en charge au titre de la législation professionnelle ledit accident.

Le certificat médical initial indique « souffrance au travail – état anxio-dépressif ».

D’un côté, la Caisse fait valoir que la décision a été rendue après enquête et recueillement de témoignages. De ce fait, pour elle, l’état anxio-dépressif de la salariée est la conséquence directe et certaine de l’entretien, la présomption d’imputabilité a donc lieu de s’appliquer.

Pour l’employeur, la matérialité de l’accident est contestable car la lésion serait apparue de manière lente et progressive.

L’employeur décide alors de saisir le TASS (nouvellement TJPS).

Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal déclare inopposable à l’employeur l’ensemble des conséquences de la prise en charge de l’accident du travail de février 2018.

La Caisse a donc décidé d’interjeter appel afin d’infirmer le jugement du tribunal.

Quelles sont les règles ?

La version de l’article L.411-1 du CSS en vigueur au moment des faits disposait que : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

L’accident du travail est légalement caractérisé lorsque les trois éléments suivants sont réunis : un fait accidentel – une lésion corporelle – un lien avec le travail.

Cette définition suppose que le salarié soit, au moment des faits, sous la subordination de l’employeur ou en position de subordination.

De plus, il résulte de l’article précité une présomption d’imputabilité de l’accident survenu au temps et au lieu de travail, laquelle ne peut être combattue que par la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.

Quel est l’apport de l’arrêt ?

La cour d’appel est sans équivoque dans sa décision : « La convocation à un entretien disciplinaire relève de l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur et la mise en œuvre de cette possibilité ne saurait constituer en elle-même un événement soudain susceptible de caractériser un accident relevant de la législation sur les risques professionnels, nonobstant le ressenti du salarié ».

La Caisse n’apportant pas la preuve d’une survenance soudaine d’une lésion dans le cadre de l’entretien, la cour d’appel confirme le jugement.

La cour d’appel semble ne pas entendre la position récemment prise par la Cour de cassation dans un arrêt d’octobre 2023 (Cass. Soc. 19 octobre 2023, n°22-13.275).

Dans cette affaire, un salarié est victime d’un malaise durant un entretien. La cour d’appel avait retenu que le salarié n’apportait aucun élément démontrant l’existence d’un événement brusque et soudain lors de l’entretien.

La Cour de cassation indique quant à elle que « l’accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail », et ce, même lorsque l’entretien s’est déroulé dans des conditions normales.

Reste à savoir si un pourvoi va être formé contre l’arrêt d’octobre 2024 et nous ne manquerons pas de revenir vers vous si tel est le cas.

Source : CA de Paris, 4 octobre 2024, RG n°21/08501

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L’équipe du Pôle Social dirigé par Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN se tient bien entendu à votre disposition pour répondre à vos questions et vous accompagner sur ce sujet.

Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN

Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
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Marine DAMOY

Juriste en droit social
Pôle social du cabinet EMO AVOCATS
mdamoy@emo-avocats.com