Quid de l’impact de cette décision dans le cadre des relations de travail ?
La réalisation d’un enregistrement à l’insu de son employeur est une preuve indispensable à l’exercice de la victime de son droit à voir reconnaitre tant le caractère professionnel de l’accident résultant d’une altercation que la faute inexcusable de son employeur à l’origine de celle-ci.
Quels sont les faits ?
Une salariée déclare avoir été victime de violences verbales et physiques commises par le gérant de la Société.
La CPAM prend l’accident en charge au titre de la législation professionnelle.
L’employeur décide de saisir la juridiction compétente aux fins d’inopposabilité de cette décision et la salariée décide de saisir cette même juridiction aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
La cour d’appel a d’une part confirmé la décision de la CPAM de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, et d’autre part, a considéré que l’employeur devait supporter l’intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable.
Quelles sont les règles ?
La salariée apporte en guise de preuve un enregistrement audio réalisé à l’insu de son employeur.
La Cour de cassation commence par rappeler qu’en matière civile, elle a consacré un droit à la preuve qui permet de déclarer recevable une preuve illicite lorsque cette preuve est :
- Indispensable au succès de la prétention de celui qui s’en prévaut ;
- Et que l’atteinte portée aux droits antinomiques en présence est strictement proportionnée au but poursuivi.
Toutefois, jusqu’à un arrêt d’Assemblée plénière du 22 décembre 2023 (Ass. Plén., 22 décembre 2023, n°20-20.648), une preuve recueillie à l’insu de la personne ou obtenue par une manœuvre ou un stratagème était irrecevable.
Depuis cet arrêt, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit mettre en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.
Quel est l’apport de l’arrêt du 3 avril 2024 ?
La Cour de cassation déclare cette preuve indispensable à l’exercice par la salariée victime de son droit à voir reconnaitre tant le caractère professionnel de l’accident résultant de l’altercation que la faute inexcusable de son employeur à l’origine de celle-ci.
En d’autres termes, sans cet enregistrement, le caractère professionnel de l’accident n’aurait peut-être pas été reconnu tout comme la faute inexcusable de l’employeur.
La Cour de cassation précise que la cour d’appel a recherché comme elle le devait si l’utilisation de l’enregistrement portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du gérant de la Société et le droit à la preuve de la victime.
Cet arrêt s’inscrit donc dans la continuité de l’arrêt du 22 décembre 2023.
Le contentieux autour de la preuve ne cesse d’être alimenté et s’enrichira d’autant plus depuis l’essor des nouvelles technologies.
Source : Cass. Soc. 06 juin 2024, n°22-11.736
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Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
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Marine DAMOY
Juriste en droit social
Pôle social du cabinet EMO AVOCATS
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