Diffamation sur Facebook : attention à viser le bon texte de loi applicable aux poursuites engagées par un plaignant

Diffamation sur Facebook : attention à viser le bon texte de loi applicable aux poursuites engagées par un plaignant

C’est l’enseignement qu’il faut tirer d’un tout récent jugement rendu au visa de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881.

Un ancien conseiller du Président de la République avait porté plainte pour diffamation publique envers un « serviteur de l’Etat » au visa de ce texte.

Or, la 17ème Chambre correctionnelle du TGI de Paris a, dans un jugement du 4 juillet 2017, considéré que le fait diffamatoire publié sur Facebook était sans rapport avec les fonctions qu’il avait alors à l’Elysée.

Ce n’est pas parce que la victime du propos poursuivi était l’un des conseillers du Président que le fait allégué devait nécessairement être qualifié de « diffamation publique commise, à raison de ses fonctions ou de sa qualité, envers … un membre du ministère, … ou fonctionnaire public … ».

Le tribunal ajoute que les « activités professionnelles de M. X. n’ont été, ni le moyen d’accomplir les menaces supposées, ni le support nécessaire, le fait d’envoyer quelqu’un pour casser une porte pouvant être commis par un particulier ».

Le tribunal a donc renvoyé la partie civile des fins de la poursuite.

Il avait pourtant jugé le propos comme étant diffamatoire… !

En 2013, une personne avait en effet publié sur sa page Facebook que ce conseiller du Président de la République était impliqué dans une procédure judiciaire pour avoir envoyé à son domicile un individu en vue de lui « casser la porte » afin qu’il retire une plainte pour faux et usage de faux.

Il s’agit bien d’un fait précis pouvant faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité, susceptible de porter atteinte à son honneur et à sa réputation.

Le tribunal a donc estimé que les propos avaient bien un caractère diffamatoire.

Mais, le plaignant, partie civile devant le tribunal correctionnel, aurait dû exercer ses poursuites sur un autre fondement juridique, selon ce qu’a jugé le tribunal, c'est-à-dire sur le fondement d’une diffamation envers un simple particulier.

Cette solution n’est pas nouvelle, mais elle illustre parfaitement la jurisprudence rigoureuse de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui restitue aux faits leur réelle qualification pénale.

D’un point de vue procédural, cette décision est également intéressante à un second titre.

En effet, le défaut de qualification du texte de la loi applicable à la poursuite aurait pu justifier que le tribunal constate la nullité de la procédure au visa de l’article 53 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 qui, rappelons-le, dispose que : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite ».

Mais, le prévenu avait omis en défense de soulever ce moyen in limine litis.

Il ne pouvait donc plus exciper de la nullité dont la plainte était entachée ab initio, fut-elle une plainte déposée entre les mains d’un juge d’instruction.

Dans un attendu original, le tribunal retient néanmoins le moyen de la défense, mais au fond : contrairement à ce que faisait valoir la partie civile, l’erreur de qualification n’a certes pas à être soulevée in limine litis, mais s’agissant d’un moyen pouvant également être soutenu au fond, il peut, s’il est accueilli, entraîner la relaxe du prévenu, à défaut d’entrainer la nullité des poursuites.

Et c’est bien une relaxe que le tribunal a prononcé, non la nullité des poursuites.

En résumé, avant de déposer plainte, il est absolument indispensable de veiller au choix du visa du texte de loi applicable à la poursuite en diffamation.

A défaut, le mauvais choix peut, à la fin de la procédure, empêcher qu’elle aboutisse finalement à la condamnation que le plaignant escomptait, pourtant.


Pour aller plus loin, lire :

Tribunal de grande instance de Paris, 17e ch. corr., jugement du 4 juillet 2017, M. X. / M. Y.


Pour tous renseignements, contacter :

Arnaud de SAINT REMY
Ancien bâtonnier de l’Ordre
Avocat associé en charge du Pôle des affaires pénales, presse & médias au sein du Cabinet EMO HEBERT & Associés
adestremy@emo-hebert.com