Peut-on licencier un salarié qui pose un arrêt maladie au cours de la procédure ?

Peut-on licencier un salarié qui pose un arrêt maladie au cours de la procédure ?

OUI, mais attention !

Voici une décision récente en la matière : Il est possible que, pendant le licenciement, le salarié pose un arrêt maladie. Mais cela n’empêche pas pour autant la poursuite de la procédure.

En effet, un arrêt a récemment rappelé la règle pour le délai de notification, le 2 février 2022 (Cass. Soc. 2/02/2022, 20-19.014).

Les faits de l’espèce

Un salarié engagé par une société en tant que conducteur receveur a été convoqué le 28 novembre 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et à un conseil de discipline, fixés au 6 décembre 2016. Ces deux entretiens ont dû être reportés une première fois en raison de l’absence du salarié, au 3 janvier 2017. Le salarié a de nouveau sollicité, le 28 novembre 2016, un report de l’entretien préalable en raison de son état de santé.

Après avoir été de nouveau convoqué, par lettre du 30 mai 2017, à un entretien préalable et à un conseil de discipline, fixés au 6 juin 2017, auxquels il ne s'est pas non plus présenté, et après avis favorable du conseil de discipline, le salarié a été licencié le 16 juin 2017.

Positionnement de la cour d’appel

La cour d'appel a constaté qu'à la suite des faits commis le 28 octobre 2016 qui lui étaient imputés, le salarié avait été convoqué le 28 novembre 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et à une audience devant le conseil de discipline fixés le 6 décembre 2016. Puis qu'en raison de son absence, l'employeur avait reporté, par lettre du 13 décembre 2016, cette audience et cet entretien au 3 janvier 2017. Et, enfin, qu'à la suite d'une nouvelle absence motivée par l’état de santé du salarié, l'employeur lui avait adressé le 30 mai 2017 une nouvelle convocation pour un entretien préalable ainsi qu’une audience devant le conseil de discipline fixés au 6 juin 2017. Elle en a exactement déduit, sans avoir à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que la prescription était acquise lorsque le licenciement avait été notifié le 16 juin 2017.

Et ce, « dès lors que la maladie du salarié n'avait pas eu pour effet de suspendre le nouveau délai de prescription qui avait commencé à courir le 28 novembre 2016 ».

Aux termes de cette décision, il convient de rappeler quelques points sur le sujet

Tout d’abord,

- Un arrêt de travail non professionnel n’apporte aucune protection à son bénéficiaire

- Un arrêt de travail, professionnel ou non, ne va pas suspendre les délais de prescription en matière disciplinaire, de deux mois après la connaissance des faits pour engager la procédure et d’un mois après l’entretien préalable pour prononcer le licenciement

- Les deux délais de prescription continueront ainsi de courir pendant l’arrêt de travail

- L’attente de la reprise du salarié peut donc rendre impossible le licenciement envisagé

Alors que faire si l’on se retrouve confronté à ce type de situation ?

Si l’on s’en réfère à la décision précédemment présentée et si vous pensez que le licenciement s’impose, il n’y a pas d’hésitation à avoir vis-à-vis de l’arrêt de travail. Il existe néanmoins des alternatives pratiques ou juridiques :

- Il est possible que vous souhaitiez, pour diverses raisons (personnelles ou politiques), ne pas licencier pendant un arrêt de travail ou cet arrêt de travail particulier, ou bien pour cette personne en particulier.

- Si l’on prend en compte le caractère professionnel de l’arrêt : dans ce cas, le salarié dispose alors de la protection accordée par le code du travail et le licenciement n’est pas impossible, mais plus difficile. Ainsi, il ne peut intervenir qu’en cas de faute grave ou lorsqu’il y a impossibilité de poursuivre le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie (mais ce motif est rarement retenu par les tribunaux).

ATTENTION : à défaut, le licenciement est nul, ce qui vous expose déjà à des dommages et intérêts, sans application du barème d’indemnisation, mais aussi alternativement, à la réintégration avec paiement des salaires depuis la rupture !

- Si l’on prend en compte la cause de l’arrêt de travail : bien que non professionnel, l’arrêt peut de façon évidente ou par affirmation du salarié être lié à une situation complexe (le harcèlement par exemple). Si la rupture n’est pas interdite, les risques doivent là encore être pesés précisément.

- S’il y a licenciement non disciplinaire : il n’y a alors pas de prescription applicable, cependant, en cas de prolongation de l’arrêt, le temps qui passe peut affaiblir le motif envisagé. En effet, il sera difficile de de convoquer le salarié pour une situation connue depuis l’origine de son absence.

- En cas de prorogation des délais de prescription : la jurisprudence complique un peu les choses en acceptant que la demande de report de l’entretien puisse proroger le délai de prescription, lorsque la demande émane du salarié et non lorsqu’elle est décidée par le seul employeur.

Ces différentes alternatives démontrent toute la complexité d’une telle situation, et la décision que vous prendrez en amont de la qualification juridique de l’arrêt de travail et du motif du licenciement est d’une importance capitale.

C’est pourquoi nous sommes là pour vous aider à faire le meilleur choix possible !

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L’équipe du Pôle Social dirigée par Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN se tient à votre disposition pour répondre à vos questions.

Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
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Camille LAMBERT
Juriste
Pôle social du cabinet EMO AVOCATS
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