Pour rappel, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
Dans deux arrêts rendus le 13 octobre 2021, la Cour de cassation précise que le préjudice d'anxiété ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique. Il est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés (Cass. soc., 13 oct. 2021, nos 20-16.583 et 20-16.617).
• Quels étaient les faits de l’espèce ?
Plusieurs salariés ont été licenciés pour motif économique et se sont vu remettre dans ce contexte une attestation d'exposition. Ils ont été informés de la possibilité de la mise en œuvre d'un suivi post-professionnel du fait de cette exposition. Ils sollicitent l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété personnellement subi.
Compte tenu de cette attestation et de l’information qui l’accompagnait, le conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel de Douai ont estimé que la réalité du préjudice d’anxiété était suffisamment démontrée et ont condamné l’entreprise à dédommager les salariés.
• Position de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse et annule ces condamnations : « Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'un tel risque ». L’indemnisation du préjudice d’anxiété n’est donc pas automatique
Autrement dit, le seul fait d’avoir été exposé ne permet pas de se déclarer atteint d’anxiété : « Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés. ».
La cour d’appel ne pouvait donc pas juger que tous les salariés avaient été envahis d’un sentiment d’inquiétude permanente dès qu’ils avaient appris leur exposition. Chaque cas aurait dû faire l’objet d’un examen particulier pour vérifier que le demandeur avait bien été victime de troubles psychologiques. Le préjudice d’anxiété doit par conséquent être évalué concrètement en fonction de la situation personnelle du salarié, et non de façon abstraite ou générale.
Ainsi, si la seule information de la possibilité de solliciter un suivi médical après l’exposition est insuffisante à établir un préjudice d’anxiété pour l’ensemble des salariés concernés, celui-ci pourra être démontré, dans le même contexte, par la production d’examens médicaux dans le cadre du suivi médical.
Ainsi par exemple « [...] les examens subis par le salarié dans le cadre du suivi médical mis en place en raison de son exposition à l’amiante, avaient mis en lumière une évolution négative de son état de santé et [..] les scanners thoraciques avec injection qu’il avait subis avaient permis de constater notamment l’apparition d’un épaississement de la coiffe pleurale au niveau des régions apicodorsales droite et gauche et qu'il justifiait d'une inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante avec le risque d’une pathologie grave pouvant être la cause de son décès, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de condamner l'employeur à indemniser l'intéressé de son préjudice d'anxiété » (Cass. soc., 13 oct. 2021, no 20-16.583).
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Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
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Camille LAMBERT
Juriste
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