Chaque année, en France, plus de 100 000 permis de construire de maisons individuelles sont déposés. Et, aujourd'hui, de plus en plus de familles font le pari fou de construire ou de rénover elles-mêmes leur maison. C'est bien souvent le rêve d’une vie !
Mais en regardant « 90' enquêtes » ce soir du 18 mai 2021, vous aurez pu être stupéfait de découvrir ces familles interviewées qui se sont lancées ce défi audacieux en toute confiance, sans conseils face aux risques encourus …
Maison en kit, maison prêtes à finir, pavillon en containers recyclés, ce rêve peut rapidement finir en cauchemar pour ces nouveaux propriétaires en cas de revente du bien.
1- Monsieur Castor, qui es-tu ?
Il est constant en droit que « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage » (art. 1792 du code civil).
Mais beaucoup ignorent ou feignent d’ignorer qu’en application de l’article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur d’un ouvrage :
« 2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ».
Ainsi, lorsque pour faire des économies, parfois substantielles, un propriétaire n’hésite pas à réaliser lui-même des travaux qui sont habituellement confiés à des professionnels (construction d’une terrasse, d’une véranda, d’un bâtiment annexe, d’un mur, mais aussi : rénovation lourde d’une longère, d’une toiture, maison en kit, maison prêtes à finir, pavillon en containers recyclés, etc.) il est réputé au sens de la loi et de la jurisprudence comme un constructeur.
Dans notre jargon juridique, nous appelons ces propriétaires ingénieux : « castor » !
Pourquoi ? Parce que le castor est une espèce-ingénieur, le seul mammifère (avec l'Homme) qui aménage et construise à ce point son habitat.
Un castor en droit est donc un particulier qui aménage et construit son habitat pour lui-même.
2 – Monsieur CASTOR, attention à vos responsabilités civile et pénale en cas de vente de votre maison.
Si le Castor n’a pas l’intention de vendre son bien au moment où il le construit, une difficulté se pose lors que la force de la vie l’oblige à le vendre dans le délai de 10 ans après la réalisation des travaux.
Certains évènements (mutation professionnelle, divorce, etc.) peuvent en effet contraindre le propriétaire tel que Monsieur Castor à prendre une telle décision.
Or, le Castor est considéré comme un constructeur au sens de la loi et à ce titre il est débiteur des mêmes garanties qu’un professionnel de la construction.
Parmi ses garanties, on trouve la garantie responsabilité civile décennale qui a vocation à couvrir les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination, même lorsqu’il s’agit d’un vice du sol.
Cela implique deux conséquences :
- D’abord, cela signifie que si la vente intervient avant que le délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux ne soit expiré, le Castor doit garder à l’esprit qu’il est responsable de plein droit et qu’il reste exposé au recours de l’acquéreur en cas de survenance de désordres.
Il devra donc prendre à sa charge le coût financier des réparations.
En effet, le propriétaire Castor qui construit un ouvrage pour lui-même ou pour y loger sa famille, n’est pas obligé de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité décennale. Mais dès lors que la décision de vendre est prise et que cette responsabilité est encourue à l’égard de l’acquéreur, il est obligatoire de souscrire une assurance responsabilité civile décennale pour le temps restant à courir jusqu’à l’expiration de la garantie (art. L.241-1 du code des assurances).
En l’absence d’assurance, le vendeur devra assumer seul le coût des réparations.
- Également, et non des moindres, le défaut d'assurance responsabilité civile décennale est une infraction pénale pouvant aller de dix jours à six mois d'emprisonnement et une amende de 75.000,00 € (art. L. 243-3 du code des assurances). Il ne faut donc pas jouer avec cela.
En outre, le propriétaire Castor a l’obligation de souscrire une assurance dite « dommages-ouvrage ».
En effet, l’article L.242-1 du code des assurances dispose que toute personne physique qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, réalise ou fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de la responsabilité civile décennale.
Là encore, le défaut d'assurance « dommages-ouvrage » est une infraction pénale pouvant aller de dix jours à six mois d'emprisonnement et une amende de 75 000 € (art. L. 243-3 du code des assurances).
C’est pourquoi, la décision de construire soi-même une maison en kit, un pavillon en containers recyclés ou celle de réaliser les aménagements dans une maison « prête à finir » peuvent être des bonnes solutions sur le plan économique, mais elles ne sont pas sans conséquences !
Le faire c’est bien ! Le faire en ayant conscience de ce que cela implique, c’est mieux !
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Pascal MARTIN-MENARD
Avocat associé - Chargé du Pôle droit de la responsabilité
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