Un copropriétaire peut, à l’instar du syndicat des copropriétaires, exercer les droits et actions du copropriétaire-bailleur pour obtenir la résiliation d’un bail lorsque le preneur méconnaît les stipulations du règlement de copropriété.
Rappel des faits et de la procédure
Plusieurs nus-propriétaires et un usufruitier ont donné à bail à une société, un local commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, en vue de son utilisation pour l'activité d'achat, vente de cyclomoteurs, réparation de scooters, location de véhicules sans chauffeur et activités connexes. Se plaignant de nuisances sonores et olfactives, les propriétaires d'un lot contigu à ce local, ont assigné l'usufruitier, la locataire ainsi que le syndicat des copropriétaires, en résiliation du bail et expulsion de cette dernière et, dans l'attente de celle-ci, en interdiction de toute activité de réparation de scooters dans les locaux pris à bail.
Par un arrêt du 24 juin 2020, la cour d’appel de Paris a fait droit à ces demandes.
Le locataire et son bailleur se sont pourvus en cassation.
La question de droit
Elle est celle de la recevabilité copropriétaires à exercer, en lieu et place du bailleur, d’une action oblique en résiliation de bail à l'encontre de la société locataire pour non-respect du règlement de copropriété.
La solution dégagée par la Cour de cassation
La Cour de cassation approuve la cour d'appel.
Elle estime qu’un syndicat de copropriétaires a, en cas de carence du copropriétaire-bailleur, le droit d'exercer l'action oblique en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevient aux obligations découlant de celui-ci et que ses agissements, contraires au règlement de copropriété, causent un préjudice aux autres copropriétaires (Cass. 3e civ., 14 nov. 1985, n° 84-15.577).
Le règlement de copropriété ayant la nature d'un contrat, chaque copropriétaire a le droit d'en exiger le respect par les autres (Cass. 3e civ., 22 mars 2000, n° 98-13.345).
La cour d'appel a retenu qu'une résolution de l'assemblée générale des copropriétaires autorisant les travaux à réaliser par la société locataire était, en ce qu'elle visait à l'acceptation des nuisances provoquées par l'activité de cette société, contraire aux stipulations du règlement de copropriété selon lesquelles chaque copropriétaire devait veiller à ne rien faire qui pourrait troubler la tranquillité des autres occupants.
Elle a également retenu que l'usufruitier bailleur, informé par le syndic et les autres copropriétaires des nuisances occasionnées par l'activité de la société locataire, n'avait pas engagé de démarches en vue de permettre le respect du règlement de copropriété.
La cour d'appel a donc retenu à bon droit que les copropriétaires sont recevables à exercer, en lieu et place du bailleur, une action oblique en résiliation de bail à l'encontre de la société locataire et a légalement justifié sa décision.
Analyse
La solution de la Cour de cassation était déjà en germe dans un précédent arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 1991 (Cass. 3ème civ., 4 janvier 1991, n° 89-10.959, publié au Bulletin), mais, tandis que certaines juridictions du fond l’admettaient (CA Dijon, 23 mars 1994, Rev. Loy. 1994, 495), d’autres la refusaient (CA Paris 4 juin 2014, n° 12/12350) au motif que le copropriétaire-bailleur n’est pas débiteur du copropriétaire qui se plaint des nuisances du locataire du premier avec lequel il est sans lien de droit.
En affirmant en des termes aussi fermes le droit pour chaque copropriétaire d’agir en résiliation d’un bail aux lieu et place du syndicat et du bailleur, l’arrêt du 8 avril 2021 envoie ainsi un signal clair et mérite une pleine approbation.
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Pascal MARTIN MENARD
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