Quels recours a une victime en cas de simple "rappel à la loi" fait par le Procureur de la République à l'auteur d'une agression ?

Quels recours a une victime en cas de simple "rappel à la loi" fait par le Procureur de la République à l'auteur d'une agression ?

Il arrive parfois que, malgré le dépôt d'une plainte par une victime (par exemple, en cas d'agressions, d'incivilités, de vol ou de dégradations), le Procureur de la République qui est maître de l'action publique décide un simple "rappel à la loi" notifié à l'auteur de l'infraction.

Quels sont alors les recours de la victime qui apprend cette orientation décidée par le Procureur ?

Peut-il lui même saisir la Justice pour obtenir réparation de ses préjudices ?

Pour y répondre, il faut répondre à quelques questions au préalables.

Qu’est-ce que le rappel à la Loi ?

Selon l'article Article 41-1 du Code de procédure pénale (modifié par la LOI n°2020-936 du 30 juillet 2020 - art. 6), s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République, notamment, procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi.

Il s’agit le pus souvent de convoquer et de rappeler à l'auteur des faits qui reconnaît une infraction les obligations et les sanctions pénales résultant de la loi afin de l'amener dans un souci pédagogique à lui faire prendre conscience des risques en matière pénale en cas de commission d'infraction.

Nota : il existe des dispositions spécifiques en cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, demander à l'auteur des faits de résider hors du domicile ou de la résidence du couple. Renseignez-vous auprès de Me Arnaud de SAINT REMY

Comment se passe un rappel à la loi ?

Le plus souvent, le Procureur de la République charge un Officier de Police Judiciaire ou bien l'un de ses délégués de faire à l'auteur des faits :

- un rappel solennel de la (ou des) infraction(s) qui lui sont reprochée(s), de la nature du trouble à l'ordre public qu'elle(s) cause(nt), des différentes sanctions prévues par le Code pénal ou le texte de loi applicable (peines d'emprisonnement, d'amende, peines complémentaires de type interdiction, déchéances de droit, etc...) ;

- un rappel des devoirs au regard de la société et des personnes (en particulier de la victime) ;

- un exposé sur le respect de la loi et les obligations découlant du ou des acte(s) commis tant d'un point de vue pénal que civil, ainsi que les conséquences liées à sa responsabilité pénale et civile ;

Le but est, par cette prise de conscience, de prévenir toute récidive.

Le Procureur de la République peut ainsi considérer implicitement que l'infraction (ou les infractions) n'a pas (ou n'ont pas) causé de troubles importants notamment à la victime. Le but est aussi d'offrir à un "primo délinquant" (celui qui n'a pas de casier judiciaire) un avertissement solennel qui lui évitera une comparution devant un tribunal.

Quelles seront les conséquences du rappel à la Loi ?

Le "rappel à la loi" n'est pas une condamnation. Il ne sera donc pas mentionné au casier judiciaire. Il reste dans la mémoire du Procureur et de l'institution judiciaire puisqu'il est inscrit au fichier TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires).

C'est une chance qui laissé à l'intéressé de ne pas risquer de voir son casier entaché d'une condamnation.

Mais, ce "rappel à la loi" n'est pas un classement définitif de l'infraction. 

Il suspend la prescription de l'action publique : le Procureur de la République peut décider de reprendre le dossier et d'engager finalement des poursuites pénales. 

Il n'éteint plus l'action publique.

Dans un arrêt ancien (Cass. Crim, 21 juin 2011 pourvoi N°11-80.003), en cas d'échec de la mesure, le Procureur pouvait user d'une autre mesure alternative. Le parquet restait libre de poursuivre en cas d'échec tel que cela ressort du texte.

Le texte nouveau va plus loin : l'article 41-1 al 1 envisage les situations dans lesquelles ces mesures alternatives peuvent être mises en oeuvre par le procureur de la République « préalablement à sa décision sur l’action publique ».

Le dernier alinéa de l’article 41-1 prévoit :

« En cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l’auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveaumet en œuvre une composition pénale ou engage des poursuites ».

Cela signifiait que a contrario si la mesure est respectée et exécutée, il n'y aurait plus lieu à engager les poursuites.

Mais, pour la Cour de cassation, le premier alinéa de l’article 41-1 du code de procédure pénale doit prévaloir sur le dernier alinéa du texte.

Autrement dit, même en cas de respect de la mesure, le Parquet peut poursuivre !

En effet en cas de classement sans suite, le Procureur pourra toujours, dans la limite des délais de prescription, poursuivre l'auteur présumé des faits, ce d'autant, s'il y a des nouveaux éléments.

Enfin, il n'a pas autorité de la chose jugée au civil (Cass. Civ.1ère 7 mai 2009 N° de pourvoi: 08-10362).

Cela veut dire que la la victime peut engager une action indemnitaire.

Quels sont les recours de la victime ?

La victime de l'infraction dispose de plusieurs possibilités :

- écrire au Procureur de la République en faisant valoir les préjudices qu'elle a subis pour le convaincre d'engage, malgré le rappel à la loi, des poursuites pénales afin de lui permettre notamment d'obtenir la réparation effective de ses dommages, notamment au travers d'une mesure probatoire que pourrait décider un Tribunal ;

- écrire au Procureur général sur le fondement de Article 40-3 du Code pénal créé par la Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 - art. 68 JORF 10 mars 2004 qui dispose que "toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut, dans les conditions prévues à l'article 36, enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. S'il estime le recours infondé, il en informe l'intéressé" ;

- Saisir un juge d'instruction dans les conditions de l'article 85 du Code de procédure pénale ;

- Saisir directement le Tribunal pénal compétent (Tribunal correctionnel ou Tribunal de Police) par voie de citation directe, sur le fondement des articles 389 et suivants du Code de procédure pénale

Faut-il prendre un avocat pour engager l'un de ces recours ?

Ce n'est pas obligatoire, mais cela est conseillé.

La procédure pénale est compliquée, et contient des règles de forme et de prescription que seul un avocat pénaliste, du fait de sa compétence en matière pénale, connaît bien et pratique quotidiennement.

A cet égard, le Pôle pénal de notre cabinet est à votre disposition. 

Contactez notre Pôle des affaires pénales en cas de questions

Nous sommes joignables au 02 35 59 83 63

Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
En charge du Pôle des affaires pénales chez EMO AVOCATS
adestremy@emo-avocats.com