Coronavirus Covid-19 : L’épidémie est-elle un évènement assurable ?

Coronavirus Covid-19 : L’épidémie est-elle un évènement assurable ?

Pour les organisateurs du tournoi de Wimbledon, l’épidémie de Sras en 2003 est apparue comme un avertissement sans frais qu’il fallait pour l’avenir prendre en compte. Depuis cette époque, 2 M$ (sur un budget de 285 M$) sont consacrés chaque année à la couverture de la totalité des risques en cas de pandémie.

L’annulation de l’édition 2020 qui devait avoir lieu du 29 juin au 12 juillet a été annoncée le 1er avril dernier, les organisateurs estimant en l’occurrence qu’un simple report ne constituait pas une solution pertinente (eu égard notamment à la surface des terrains). On imagine mal en effet livrer un match de tennis sur l’herbe durant l’automne britannique.

Cette décision a donc été prise avec sérénité, sans mettre en panique les services comptables, dès lors que la mise en jeu de la garantie permettait d’assurer la pérennité du célèbre tournoi pour les éditions à venir.

Mais alors, pourquoi si peu d’organisateurs ou d’entreprises ont fait le choix de cette assurance spécifique ?

Certainement pour une question de coût (les primes relativement abordables risquent d’ailleurs de s’envoler l’année prochaine…) mais pas seulement.

Si l’on met de côté l’absence d’anticipation, il faut bien reconnaitre que l’assurance ne constitue pas nécessairement la recette miracle dans la mesure où cet évènement est relativement difficile à assurer, et ce pour plusieurs raisons.

1 - Une définition du risque problématique

Les assureurs invoquent tout d’abord une distinction entre l’épidémie qui constitue un évènement ponctuel et localisé (dont le risque est relativement chiffrable) et la pandémie, évènement récurrent (ou durable) et généralisé (et dont les conséquences financières sont incalculables).

Dans la crise sanitaire actuelle, aucun assureur ne considère l’évènement comme véritablement assurable.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le recours à la déclaration de catastrophe naturelle n’est pas envisageable, la Fédération française de l’assurance (FFA) ayant fait valoir qu’une catastrophe naturelle a une durée dans le temps et une localisation, ce qui n’est pas le cas de la pandémie actuelle, qui a un caractère « systémique » et dont les conséquences ne peuvent être mesurées.

D’où la réflexion menée actuellement au ministère de l’économie et des finances de la création d’un « état de catastrophe sanitaire » reposant sur « un régime de type assurantiel destiné à intervenir dans le cas d’une future catastrophe sanitaire majeure ».

Sur le modèle du régime des catastrophes naturelles, une partie des primes d’assurance serait orientée à l’indemnisation des victimes de crises sanitaires.

Mais bien évidement, ce mécanisme n’aura vocation à bénéficier qu’aux victimes de la saison 2 …

Pour la saison 1, les assureurs français se sont engagés à contribuer au fonds de solidarité des TPE et des indépendants à hauteur de 200 M€. Une goutte d’eau pour les intéressés…

2 - Une discussion sur l'aléa

Une autre raison fondamentale d’exclure la pandémie de l’assurance est l’absence d’aléa ou, plus exactement, la connaissance préalable du risque.

Certains contrats d’assurance, notamment ceux conclus pour des évènements récents ou à venir, peuvent couvrir les conséquences d’une annulation, mais les assureurs vont opposer l’absence d’aléa au regard des informations connues au moment de la souscription ;

Le contrat d’assurance est, de par sa nature même, un contrat aléatoire, au sens de l’article 1964 ancien du Code civil (abrogé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016) et 1108 § 2 nouveau du Code civil.

Le défaut d’aléa est sanctionné par la nullité du contrat (Civ.1ère 9 novembre 1999, n°97-16306) et permet plus simplement à l’assureur de refuser sa garantie (Civ. 1ère 4 novembre 2003, n°01-14942).

Mais ce que le contrat d’assurance ne peut garantir, c’est un risque que l’assuré sait déjà réalisé avant sa souscription (Civ. 1ère 6 janvier 1994, n°92-11156 ; Civ. 1ère 10 avril 1996, n°94-11174 ; Civ. 1ère 15 juillet 1999, n°97-12227 ; Civ. 1ère 4 novembre 2003, n°01-14942 ; Civ. 2ème 15 avril 2010, n°08-20377).

Lorsque la survenance de l’événement n’est que probable mais non certaine, il conserve un caractère aléatoire.

La connaissance ou l’ignorance de la réalisation du risque par l’assuré détermine l’absence ou l’existence d’aléa.

L’existence d’un état antérieur peut même être garanti, dès lors qu’au moment de la signature du contrat, le risque en découlant n’est ni certain, dans sa réalisation, ni déterminable dans son étendue (Civ. 1ère 8 juillet 1994, n°92-15551).

En somme, le défaut d’aléa suppose l’existence d’un risque d’ores et déjà réalisé et que la réalisation du risque soit connue de l’assuré.

Et s’impose alors la distinction importante entre d’une part la connaissance du risque (le confinement ou l’interdiction des rassemblements) et d’autre part celle de son origine (l’épidémie).

Concrètement, si l’épidémie était connue et déclarée par l’OMS avant la souscription du contrat, c’est uniquement les décisions gouvernementales ultérieures qui constituent la cause du sinistre (à savoir l’arrêté ministériel du 9 mars 2020 interdisant les rassemblements pour l’annulation d’un événement ou l’annonce du confinement par le Président de la République le 16 mars 2020 pour l’arrêt d’activité des entreprises).

En théorie, l’assureur ne pourrait pas opposer l’absence d’aléa au seul motif que le risque de pandémie aurait été connu avant la souscription des garanties.

3 - Des restrictions sur les garanties

Pour les organisateurs de spectacles ou d’évènement mais encore plus pour les entreprises, le préjudice est constitué pour l’essentiel des pertes d’exploitation non récupérables et des charges non remboursables.

Le sinistre concerne bien les conséquences directe ou indirecte de la pandémie dont la connaissance est le plus souvent bien plus récente que la survenance de l’évènement qui en est la cause.

Entrent alors dans la discussion l’application ces fameuses clauses d’exclusions qui écartent notamment « Les épidémies reconnues par les autorités françaises et par l’OMS et entraînant la fermeture ou une recommandation de fermeture des lieux publics par une autorité compétente. »

D’autres contrats prévoient au contraire (comme exception à l’exclusion) la seule épidémie avérée avant la signature du contrat comme cause d’exclusion de la garantie.

Cet exemple doit inciter l’assuré à examiner la pertinence des arguments invoqués par l’assureur pour contester sa garantie, au regard justement de la portée des clauses du contrat dans un contexte qui sera toujours spécifique.

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Frédéric CANTON
Avocat associé du cabinet EMO AVOCATS
En charge du Pôle Droit des affaires
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Documents de référence :

Sur les garanties mobilisables : L’Argus de l’assurance

Sur le fonds de solidarité et la création d’un état de catastrophe sanitaire :  La Croix 7 avril 2020