Pour rappel, l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a instauré un dispositif de report de divers délais et dates d'échéance.
Elle a défini pour cela, au I de l'article 1er, une « période juridiquement protégée » qui court à compter du 12 mars 2020 jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire.
A ce jour, compte tenu des dispositions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, la durée de l'état d'urgence sanitaire est prévue pour s'achever le 24 mai 2020, de sorte que la « période juridiquement protégée » s'achèverait un mois plus tard, soit le 24 juin 2020.
Concernant la médiation (et plus généralement les modes amiables de résolution des différends ou MARD), c’est l’article 3 de cette ordonnance qui nous intéresse :
« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l'article 1er sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période :
1° Mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ; … »
En vertu de cette disposition, les délais sont donc prorogés au 24 aout 2020.
Mais de quels délais s’agit-il ?
Il s’agit tout d’abord des délais de mise en œuvre des mesures ordonnées par les juges avant le 12 mars 2020.
En vertu de l’article 131-3 du code de procédure civile, « La durée initiale de la médiation ne peut excéder trois mois. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur ».
Indépendamment des effets de l’ordonnance, le point de départ du délai de 3 mois interroge ; s’agit-il de la décision, de la consignation, de la première réunion de médiation ? C’est en général la décision qui ordonne la mesure qui le précise ; il faut donc vérifier ce point de départ à partir de pièces de la procédure (ordonnance, avis de consignation).
Attention : seules sont éligibles à la prorogation du délai les médiations en cours au 12 mars 2020.
Par exemple, une mission ordonnée le 1er décembre 2019 qui a « débuté » le 10 décembre 2019 (date de notification au médiateur de la consignation) aura pris fin le 10 mars à défaut de demande de renouvellement.
Au contraire, la même mission qui a « débuté » le 17 décembre 2019 (date de notification au médiateur de la consignation) n’aura pas pris fin le 17 mars mais sera prolongée jusqu’au 24 juin 2020, avec ou sans demande de renouvellement.
Mais plusieurs délais peuvent se cumuler et se combiner, et notamment le délai de consignation (1 mois par exemple à compter de la décision) et le délai de la médiation (3 mois à compter de la consignation par exemple).
Dans cette hypothèse, il faudra appliquer successivement les reports à chacune des étapes de la procédure (pour la consignation par exemple : le point de départ du délai d’un mois pour la verser sera la 24 juin 2020 ; pour la médiation : le point de départ du délai de 3 mois sera le jour du versement de la consignation).
Il s’agit ensuite des délais de mise en œuvre des médiations conventionnelles avant le 12 mars 2020.
Celles ne sont pas concernées par le report des échéances et délais, l’ordonnance du mars 2020 ne visant que les mesures administratives ou juridictionnelles
Il s’agit enfin des délais relatifs aux mesures ordonnées ou susceptibles d’être renouvelées après le 12 mars 2020.
– Si le terme des trois mois arrive à échéance pendant la période de prorogation des délais, la durée initiale de la médiation serait reportée de manière automatique à compter du 24 juin 2020 mais sans pouvoir cependant excéder la date du 24 août 2020.
– Si le terme des trois mois arrive à échéance après le 24 juin 2020, le médiateur pourra demander le renouvellement de la durée de la médiation pour trois mois supplémentaires ou le temps estimé utile en vertu de l’article 131-3 du code de procédure civile).
Dans les deux cas, la fin de la mission sera la plus précoce des deux dates : soit le 24 août 2020, soit l’expiration du délai de 3 mois de l’article 131-3 du code de procédure civile.
Quel est l’enjeu de ces mesures ?
L’intérêt majeur de la détermination du délai précis concerne l’effet de la médiation sur la prescription de l’action.
Pour favoriser ce mode de résolution, le droit commun prévoit la suspension des délais de prescription pendant toute la durée de la médiation ou de la conciliation.
Mais cette suspension est encadrée par un régime précis détaillée dans l’article 2238 du Code civil :
« La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative ou à compter de l’accord du débiteur constaté par l’huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. En cas d’échec de la procédure prévue au même article, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l’huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. »
Il en ressort tout simplement que l’action en justice devra être engagée ou reprise, dans un délai de prescription tenant compte de la période de suspension et d’au moins 6 mois.
Il est donc essentiel pour le médiateur mais surtout pour les parties et leur conseil de déterminer avec précision la date à laquelle la médiation a pris fin.
A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que l’article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne constitue ni une suspension, ni une prorogation du délai initialement imparti pour agir.
Le mécanisme mis en œuvre par cet article permet simplement de considérer que l’acte ou la formalité réalisé jusqu’à la fin du délai initial, calculé à compter de la fin de la période visée à l’article 1er (état d’urgence sanitaire + un mois), dans la limite de deux mois, sera réputé valablement fait.
Il s’agit de permettre d’accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu’il a été impossible de faire pendant la période d’urgence sanitaire augmentée un mois.
Pour aller plus loin et poser vos questions, contactez :
Frédéric CANTON
Avocat associé
Médiateur diplômé de l'IFOMENE
En charge du Pôle MARD au sein du Cabinet EMO AVOCATS
fcanton@emo-avocats.com