Coronavirus Covid-19 : Que disent les ordonnances adoptées ce 25 mars 2020 dans le domaine juridique et juridictionnel ?

Coronavirus Covid-19 : Que disent les ordonnances adoptées ce 25 mars 2020 dans le domaine juridique et juridictionnel ?

Suite à la Loi d’habilitation n°2020-290 dite « d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 » votée au parlement le 23 mars 2020, le Conseil des Ministres qui s’est tenu ce 25 mars 2020 vient d'adopter 25 ordonnances dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire mis en place.

Parmi elles, quatre concernent la Justice.

De quoi est-il question ?

Nicole BELLOUBET, Garde des Sceaux, en a fait, cet après-midi, un exposé sommaire dans la foulée de la présentation générale qu’a faite le Premier Ministre à la sortie de son Conseil des Ministres exceptionnel.

Quatre des vingt-cinq ordonnances adoptées visent le domaine juridique et juridictionnel.

Ces quatre ordonnances, dans le domaine juridique et juridictionnel, visent les thématiques principalement suivantes :

1) La première ordonnance s’attache à la question des procédures et de la prolongation des délais pendant la période de l’épidémie.

A cette fin, le Gouvernement permet de reporter les délais qui expirent durant cette période de crise sanitaire (« à la fois pour que les bénéficiaires de ces délais puissent continuer à en bénéficier et en même temps pour ne pas créer d’effets d’aubaine » a précisé la Ministre).

En clair, un délai supplémentaire sera octroyé pour réaliser les démarches qui devaient normalement être réalisées dans cette période, ce qui se traduit par la définition d’une « zone de protection juridique » qui va commencer le 12 mars et qui va s’achever un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

« Toutes les démarches qui devaient être accomplies durant cette période de protection juridique pourront l’être dans les deux mois qui suivent cette période de protection juridique » a expliqué Nicole BELLOUBET.

Et elle ajoute : « Cela ne veut évidemment pas dire que toutes les obligations sont suspendues durant cette période ; cela veut simplement dire que l’on ne pourra pas être sanctionné si on effectue ces obligations dans le délai supplémentaire que j’ai mentionné » (sic !).

De plus, certaines mesures qui se terminent pendant la période d’état d’urgence sanitaire seront prolongées afin d’éviter un vide juridique (par exemple, les mesures de tutelles ou d’assistance éducative, les ordonnances de protection rendues en faveur des femmes ayant fait l’objet de violences conjugales, etc…)

2) Deux autres ordonnances concernent le fonctionnement des juridictions civiles et administratives.

Il s’agit, selon la Ministre, de « répondre aux impératifs de la vie économique et sociale qui ne sont pas différables ; et donc certains procès pourront se tenir sans audiences, et pourront être basés sur les seuls échanges d’écritures des parties, soit par visioconférence, soit par téléphone ».

« Il nous faut permettre de tenir des débats par tous moyens » a ajouté La Garde des Sceaux.

A noter que des dispositions spécifiques concernent la tenue des audiences de juges des enfants.

3) La dernière ordonnance concerne la procédure pénale ; dans ce cadre-là, l’objectif est de maintenir une activité pénale « dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux exigences de l’Etat de droit » ce dont la Ministre a voulu rassuré son auditoire : par exemple, cette ordonnance étend les délais d’instruction et de jugement, notamment les délais légaux de détention sans préjudice des possibilités de remise en liberté qui pourrait être demandée soit à l’initiative des juges, soit à l’initiative des parties ;

En outre, « nous permettons aux juridictions de statuer alors même que de nombreux magistrats ou des personnels de greffe sont touchés par le confinement et que les mesures sanitaires interdisent le rassemblement des personnes ; c’est ainsi que nous élargissons les possibilités de statuer à juge unique ou par visioconférence ».

Enfin, cette ordonnance pénale donne à l’Etat « la possibilité d’agir sur la tension carcérale », un certain nombre de Maison d’arrêt faisant l’objet d’une surpopulation carcérale, comme l’a reconnu Nicole BELLOUBET, « ce qui peut poser des problèmes notamment sanitaires ».

Et la Ministre de rappeler que « des mesures ont été prises pour éviter ces difficultés sanitaires… des mesures à la fois de suspension d’un certain nombre d’activités ou de parloirs en détention, compensées par des mesures liées notamment à la gratuité du téléphone ou de la télévision, ou encore liées à des mesures d’aides ».

La Ministre assure, en outre, avoir demandé aux Parquets de reporter la mise à exécution de peines d’emprisonnement pour les personnes qui seraient condamnées, mais qui seraient libres et qui ne présentent pas de danger immédiat pour les personnes ; Elle indique avoir également demandé de n’envisager des mesures de placement provisoire que pour les personnes présentant de réelles dangerosité ; S’agissant des détenus sortants, des directives générales sont prises pour apprécier « avec d’avantage de mansuétude qu'à l'accoutumée, les demandes de réductions de peine ou de libération conditionnelle » (sic !).

Au-delà, l’ordonnance prévoit la simplification des dispositifs existants ou bien des dispositifs nouveaux, selon ce qu’a indiqué la Garde des Sceaux.

Par exemple, les Commissions des Peines pourront se tenir de manière dématérialisée, voire même sans audience lorsque l’accord du procureur de la République existera.

A cela, s’ajoutent, d’une part, des possibilités de remise en liberté de détenus dont le reliquat de peine est inférieur à 2 mois et qui seront alors placés en confinement à leur domicile et, d’autre part, des possibilités d’aménagement de peine pour les détenus dont le reliquat de peine est inférieur à 6 mois, sous le forme de travail d’intérêt général, de même que l’octroi de remises de peine spéciales d’un maximum de 2 mois pour les personnes qui auront eu un comportement exemplaire pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

La Ministre n'est pas rentrée dans plus de détail.

Il faudra analyser les ordonnances pour apprécier la diversité de ces mesures.

Evidemment, dès que ces ordonnances seront publiées, nore cabinet ne manquera pas de les mettre en ligne à l’attention de tous, en faisant un focus sur certains de ces différents dispositifs présentés succinctement à l’issue du Conseil des Ministres dense et finissant tard dans l’après-midi d’aujourd’hui... On peut le comprendre.

Suivez donc notre actualité pour plus d'infos.

Et pour toutes questions, contactez :

Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Ancien président de la Conférence Régionale des Bâtonniers de Normandie
En charge du Pôle Pénal au sein du cabinet EMO AVOCATS
adestremy@emo-avocats.com