Instruction : la clôture de l’instruction suspend la prescription de l’action publique

Instruction : la clôture de l’instruction suspend la prescription de l’action publique

L’avis de fin d’information adressé au procureur de la République et aux parties en application des dispositions de l’article 175 du Code de procédure pénale interrompt le cours du délai de prescription.

Ce délai de prescription est en effet suspendu immédiatement pendant les délais, de trois mois ou d’un mois, puis d’un mois et de dix jours, offerts aux parties par ce même texte pour présenter des observations, demander la réalisation d’actes ou soulever des nullités.

C’est ce qu’a jugé la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 avril 2019 (Cass. crim., 3 avril 2019, n° 18-84.468)

Dans cette espèce, une information judiciaire avait été ouverte pour abus de biens sociaux et recel, non justification de ressources, blanchiment, manquement aux obligations déclaratives, travail dissimulé et exercice de l'activité d'agent sportif sans licence valable.

Au cours de cette instruction, deux personnes avaient été mises en examen.

Le juge d’instruction notifiait aux parties le 6 novembre 2013 les avis de fin d’information.

Le 12 février 2014, le procureur de la République prenait son réquisitoire définitif de règlement.

Le juge d’instruction rendait enfin le 24 septembre 2014 une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et de non-lieu partiel, ainsi que des ordonnances de maintien sous contrôle judiciaire.

Par jugement rendu le 6 mars 2017, le tribunal correctionnel annule l’ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel.

Par un arrêt rendu les 8 novembre et 13 décembre 2017, la chambre de l’instruction annule le réquisitoire définitif, ainsi que les ordonnances de maintien sous contrôle judiciaire.

En décembre 2017 et janvier 2018, le juge d’instruction est saisi de requêtes sur le fondement de l’article 82-3 du Code de procédure pénale, tendant à ce que soit constatée la prescription de l’action publique.

Par une ordonnance rendue en février 2018, les juges d’instruction disent n’y avoir lieu de constater l’extinction de l’action publique par acquisition de la prescription, s’agissant d’infractions soumises à la prescription de droit commun des délits.

Les personnes mises en examen interjettent appel de la décision.

La chambre de l’instruction va confirmer l’ordonnance du juge d’instruction.

Elle rappelle que les avis de fin d'information délivrés aux parties le 6 novembre 2013, en application de l'article 175 du Code de procédure pénale sont interruptifs de prescription. Le délai de prescription de l'action publique était alors effectivement de trois années révolues (La loi du 27 février 2017, portant réforme de la prescription, étant entrée en vigueur le 1er mars 2017)

S’agissant d’éventuels actes interruptifs, elle relève que le réquisitoire définitif du procureur de la République, l'ordonnance aux fins de renvoi devant le tribunal correctionnel et de non-lieu partiel et les ordonnances de maintien sous contrôle judiciaire ont tous été annulées. Il est donc exact qu’ils ne pouvaient dès lors plus interrompre le délai de prescription.

Néanmoins, la prescription de l'action publique est suspendue lorsqu'un obstacle de droit met la partie poursuivante dans l'impossibilité de mettre en mouvement ou d'exercer l'action publique.

Or, le délai prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale doit être considéré comme un obstacle de droit pendant lequel la prescription de l'action publique est suspendue, selon les juges d’appel.

Pour la chambre de l’instruction, cette cause de suspension du délai de prescription de l'action publique paraît applicable dans la mesure où les délais prévus par l'article 175 du Code de procédure pénale placent le ministère public dans l'impossibilité de droit de se substituer au juge d'instruction pour prendre, le cas échéant, un acte juridictionnel relevant de la compétence unique de ce dernier.

Dans ce cadre, il peu importe que l’une quelconque des parties intéressées à la poursuite ait pu régulariser des écritures pendant le cours des formalités de règlement : elle ne pouvait pas ainsi obtenir saisine prématurée du juge qu'elle espérait, ce qui a suffi à bien emporter obstacle rendant impossible la mise en mouvement ou l'exercice effectif de l'action publique.

En l'espèce, nul n'était détenu lorsque le présent dossier a fait l'objet d'une telle communication aux fins de règlement, il s’avère donc que le délai de parachèvement était légalement de quatre mois.

La prescription de l'action publique a donc été suspendue pendant un délai de 4 mois (délai initial de trois mois auquel s'ajoute un délai d'un mois aux fins de réquisitions et observations complémentaires), soit jusqu'au 6 mars 2014.

Le point de départ du délai de prescription triennale devait donc être reporté au 6 mars 2014.

Constatant que moins de trois ans et quatre mois s’étant écoulés entre la notification de l’avis de fin d’information et la date l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, le 1er mars 2017, immédiatement applicables aux affaires en cours, la prescription de l'action publique n'était pas acquise, en l’espèce, au 1er mars 2017, au sens de l'article 112-2, 4° du Code pénal.

Dès lors à compter de cette date et conformément à l'article 8, alinéa 1er, modifié, du Code de procédure pénale, le délai de prescription de l’action était donc de six années révolues.

Il résultait de ce qui précède qu'au moment où la Chambre de l’instruction a statué, les infractions pour lesquelles les protagonistes ont été mis en examen n'étaient pas prescrites et qu'il y avait donc lieu en conséquence de rejeter les demandes présentées.

Les deux personnes mises en examen ont déclaré un pourvoi en cassation.

La Chambre criminelle valide le raisonnement des juges du fond et estime que la chambre de l’instruction a fait « l’exacte application des textes visés au moyen ».

En effet, d’une part, la prescription de l’action publique est interrompue par l’avis de fin d’information donné par le juge d’instruction aux parties, en application de l’article 175 du Code de procédure pénale et, d’autre part, la prescription de l’action publique est suspendue pendant les délais prévus audit article, le juge d’instruction estimant l’information achevée.

Pour tout renseignement, contactez l'avocat du cabine EMO AVOCATS en charge du pôle pénal :

Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Ancien président de la Conférence Régionale des Bâtonniers de Normandie
Membre du Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Rouen
https://www.linkedin.com/in/arnaud-de-saint-remy-a65582122/