Le retrait du Royaume Uni, maintes fois annoncé et maintes fois repoussé, depuis 3 ans, devrait être effectif le 31 octobre 2019.
Si la mise en œuvre effective du Brexit est de plus en plus aléatoire à mesure des atermoiements observés par la classe politique, les conséquences juridiques de son entrée en vigueur se précisent.
Elles risquent d’avoir des effets importants dans le monde judiciaire et les professionnels du droit.
De son côté, la France avance et un décret qui vient tout juste d'être publié annonce que les avocats anglais ne pourront plus exercer sous leur titre en France à l’issue du retrait du Royaume Uni de l’Union européenne, à défaut d’accord.
Pour comprendre, on doit d’abord rappeler que l’article 201 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat en France fixe la liste des titres professionnels d'avocat reconnus au sein de l'Union européenne.
En vertu de ce texte, sont reconnus en France comme avocats les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui exercent leurs activités professionnelles dans l'un de ces Etats membres ou parties autres que la France ou dans la Confédération suisse sous l'un des titres professionnels listés dans le décret.
Par exemple,
- en Belgique : avocat, advocaat, rechtsanwalt ;
- en Allemagne : rechtsanwalt ;
- en Espagne : abogado, advocat, avogado, abokatu ;
Au Royaume-Uni, les titres « advocate, barrister, solicitor » sont jusqu’à présent officiellement reconnus.
Or, le décret n° 2019-265 du 3 avril 2019 relatif notamment à l'exercice de la profession d'avocat en cas d'absence d'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne vient d’être publié au Journal Officiel (JORF n°0080 du 4 avril 2019).
Le chapitre 2 de ce décret supprime, sous réserve des dispositions transitoires prévues aux articles 13 et 14 de l'ordonnance n° 2019-76 du 6 février 2019 portant diverses mesures relatives à l'entrée, au séjour, aux droits sociaux et à l'activité professionnelle, applicables en cas d'absence d'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, les titres professionnels correspondant à la profession d'avocat au Royaume-Uni de l'article 201 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 fixant la liste des titres professionnels d'avocat reconnus au sein de l'Union européenne afin de tirer les conséquences du retrait du Royaume-Uni.
En clair, selon les dispositions de l’article 3 du décret du 3 avril 2019, il est indiquée qu’à l'article 201 du décret du 27 novembre 1991 susvisé, les mots : «- au Royaume-Uni : advocate, barrister, solicitor » sont supprimés.
Toutefois, il y a lieu de noter que, selon l’alinéa I de l’article 13 de l'ordonnance n°2019-76 du 6 février 2019, il est prévu que, pendant une période d'un an à compter de la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, les ressortissants du Royaume-Uni exerçant la profession d'avocat en France à la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, sous un titre professionnel du Royaume-Uni ou d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen autre que la France en application du chapitre Ier du titre IV de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, continuent à pouvoir exercer en France sous leur titre d'origine.
Il en va de même des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen exerçant la profession d'avocat en France à la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sous un titre professionnel du Royaume-Uni.
L’article 3 (II) du décret du décret du 3 avril 2019 dispose donc logiquement que les personnes mentionnées au I de l'article 13 de l'ordonnance du 6 février 2019 susvisée restent soumises au titre V du décret du 27 novembre 1991 susvisé pendant une période d'un an à compter de la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
En conclusion, un an à compter de la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, et à défaut d’accord avec l’Union européenne sur le Brexit, les avocats britanniques ne pourront plus faire usage de leur titre en France et exercer la profession d’avocat à ce titre.
Rappelons que, selon l’article 4 de la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil.
De même, la consultation en matière juridique et de la rédaction d'actes sous seing privé est très précisément réglementée par les articles 54 et suivants la loi du 31 décembre 1971 (chapitre Ier du Titre II de la Loi).
En vertu des dispositions de l’article 72 de la loi, sera puni des peines prévues à l'article 433-17 du code pénal (un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende) :
Quiconque aura, n'étant pas régulièrement inscrit au barreau, exercé une ou plusieurs des activités réservées au ministère des avocats dans les conditions prévues à l'article 4, sous réserve des conventions internationales.
Quiconque aura, en violation des dispositions du chapitre Ier du Titre II de la Loi de 1971, donné des consultations ou rédigé pour autrui des actes sous seing privé en matière juridique.
Et en vertu de l’article 74 de la loi, quiconque aura fait usage, sans remplir les conditions exigées pour le porter, d'un titre tendant à créer, dans l'esprit du public, une confusion avec le titre et la profession réglementés par la présente loi sera puni des peines encourues pour le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 433-17 du code pénal.
Les mêmes peines seront applicables à celui qui aura fait usage du titre de conseil juridique ou d'un titre équivalent pouvant prêter à confusion, sous réserve des dispositions du quatrième et du cinquième alinéas du paragraphe I de l'article 1er et du troisième alinéa de l'article 95 de la présente loi.
En clair, les conséquences du Brexit pourraient donc bien être redoutables aux avocats anglais si aucun accord avec l’Union européenne notamment sur ce point n’était adopté par le Royaume Uni.
Ajoutons que le chapitre 1er du décret du 3 avril 2019 précise les modalités de prise en compte des périodes d'assurance ou d'emploi accomplies au titre de la législation britannique avant la date du retrait de cet Etat de l'Union européenne et jusqu'à six mois après cette date pour l'ouverture et la détermination des droits aux prestations de sécurité sociale et au régime d'assurance chômage.
Il précise les informations requises auprès du demandeur pour la prise en compte de ces périodes et les documents pouvant servir à cet effet à défaut d'informations fournies par les institutions britanniques sur la base des formulaires européens en vigueur.
Les périodes d'emploi accomplies au titre de la législation britannique sont prises en compte au titre de l'assurance chômage à la condition que la personne concernée justifie d'une période d'emploi d'au moins un jour en dernier lieu en France.
A lire, avec une attention toute particulière, pour les personnes concernées….
Pour tout renseignement, contactez :
Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Ancien président de la Conférence Régionale des Bâtonniers de Normandie
Membre du Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Rouen
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