Avocats : la passerelle article 98-3 n'est pas applicable aux juristes qui traitent des questions juridiques posées par les dossiers des adhérents

Avocats : la passerelle article 98-3 n'est pas applicable aux juristes qui traitent des questions juridiques posées par les dossiers des adhérents

Les demandes d'admission à un barreau sont examinées par les Conseils de l'Ordre dans les conditions prévues aux articles 93 et suivants du Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

Parmi les dispositions applicables, l'article 98 du Décret permet, dans certaines circonstances, de bénéficier d'une dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat.

Cela peut être le cas pour les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises (article 98-3°).

Mais, les conditions posées par la jurisprudence sont bien précises.

La Cour de cassation vient, dans un arrêt récent, de rappeler une des conditions importantes tenant à la nature des questions juridiques traitées par le juriste.

Elle a ainsi rejeté un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux (22 décembre 2017) par une candidate qui avançait le fait qu’elle avait exercé pendant plus de huit ans une activité de juriste au sein du service urbanisme, construction, collectivités publiques et environnement du Centre de recherches, d’information et de documentation notariales Sud-Ouest (le CRIDON), constitué sous la forme d’une association.

De ce fait, elle sollicitait son admission au barreau de Bordeaux, sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l’article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

Le Conseil de l’Ordre ayant rejeté sa demande d’inscription, elle avait formé un recours contre cette décision et la Cour d’appel avait rejeté également sa demande d’admission au barreau.

Pour confirmer cette décision et rejeté son pourvoi, la Cour de cassation retient un attendu de principe qui est conforme à sa jurisprudence traditionnelle.

« Attendu que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d’un service juridique d’une ou plusieurs entreprises, qui ont exercé leurs fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l’entreprise des problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci ;

Que, dès lors, c’est à bon droit qu’après avoir relevé que Mme J... n’avait pas exercé ses fonctions en vue du traitement interne des questions juridiques posées par l’activité du CRIDON, personne morale distincte des membres qui la composent, mais pour le traitement externe des questions juridiques posées par les dossiers des notaires adhérents, la cour d’appel a retenu qu’elle ne pouvait bénéficier de la dispense prévue à l’article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 ;

Que le moyen, inopérant en sa première branche qui critique des motifs erronés mais surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ».

Cette décision est parfaitement conforme aux arrêts rendus en cette matière :

- ainsi, par exemple, a été rejetée la candidature de celui qui avait délivré une information juridique ponctuelle à ses collègues (Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 janvier 2018, 17-10517) ;

- de même, le cas du juriste « responsable administration contrat rattaché au service de la direction administrative et financière » de l'entreprise, pour y traiter des problèmes juridiques liés à l'activité contractuelle de l'entreprise, mais aussi pour assurer une veille juridique et une diffusion d'informations, les activités du candidat ne pouvant être assimilées à celles du juriste d'entreprise au sens de l'article 98-3° (Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 décembre 2016, 15-26352) ;

- ou encore, la situation d'une personne embauchée en qualité de juriste dans une banque, mais qui n'avait acquis l'autonomie, la responsabilité et l'exclusivité dans l'exercice professionnel du droit que lorsqu'il a été nommé responsable des affaires juridiques que réecemment, de sorte que, malgré une attestation générale de la direction de la Banque, non corroborée par d'autres éléments, le requérant ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, de l'exercice des fonctions de juriste d'entreprise pendant au moins huit ans ; en sorte que, par cette appréciation souveraine des éléments versés aux débats, la cour d'appel, sans dénaturation, avait pu décider que l'intéressé ne remplissait pas les conditions édictées par l'article 98-3° du décret, justifiant ainsi légalement sa décision (Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 juin 2016, 15-19667).

Rappelons enfin que, pour être admis au titre de cette passerelle, le (ou la) juriste candidat(e) doit :

1) déposer un dossier auprès d’un barreau ;
2) obtenir une décision favorable définitive de ce barreau ;
3) réussir l’examen de contrôle de connaissances en déontologie et réglementation professionnelle prévu par l’article 98-1 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991. Cet examen est organisé par les Centres Régionaux de Formation Professionnelle des Avocats (le calendrier des examens des différents CRFPA est affiché sur le site du CNB) Nota : Les candidats peuvent s’inscrire auprès du centre de leur choix, indépendamment du barreau qui a statué sur leur demande ;
4) prêter serment devant le barreau de leur choix après enquête de moralité ;
5) remplir l’obligation de formation continue telle qu’elle est mentionnée aux articles 85 et 85-1 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

Pour tout renseignement, contactez :

Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Ancien président de la Conférence Régionale des Bâtonniers de Normandie
Membre du Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Rouen
https://www.linkedin.com/in/arnaud-de-saint-remy-a65582122/

ARRÊT N°229 DU 13 MARS 2019 (18-12.253) - COUR DE CASSATION - PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE