Promulgation de la LOI n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

Promulgation de la LOI n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

La LOI JUSTICE a été promulguée le 23 mars 2019. Elle a été publiée au Journal officiel dans lequel sont publiés les lois et les règlements du 24 mars 2019.

L’ensemble de cette loi va profondément modifier le fonctionnement de notre institution judiciaire.

Certaines de ses dispositions sont d’application immédiate. D’autres doivent faire l’objet de décret. D’autres encore sont reportées au 1er janvier 2020 ou au 1er juillet 2021. Les premières circulaires sont en cours de publication.

De quoi s'agit-il ? Explication...

Saisi le 21 février 2019 par au moins soixante députés et au moins soixante sénateurs, le Conseil constitutionnel avait rendu le 21 mars 2019 une décision déclarant une non-conformité partielle du projet de loi dont le texte avait été déposé au Parlement à l’initiative du gouvernement (v. notre article, https://emo-avocats.com/article/170/le-conseil-constitutionnel-censure-certaines-dispositions-principalement-de-nature-penale-de-la-loi-de-programmation-2018-2022-et-de-reforme-pour-la-justice).

Présenté au Conseil des ministres du 20 avril 2018 par la garde des sceaux, ministre de la justice, le projet de loi avait été adopté après un parcours législatif mouvementé en première lecture, avec de nombreuses modifications, par le Sénat le 23 octobre 2018 et en première lecture, avec de nouvelles modifications, par l’Assemblée nationale le 11 décembre 2018.

Après désaccord en commission mixte paritaire le 13 décembre 2018, le projet de loi avait été adopté en nouvelle lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 23 janvier 2019 et en nouvelle lecture, avec modifications, par le Sénat le 12 février 2019.

Le texte définitif du projet de loi avait été adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 18 février 2019.

Le texte s’articule autour de six axes : une réforme de plusieurs points en matière de procédure civile, une réforme de la charge des juridictions administratives en vue d’une meilleure efficacité, plusieurs modifications de la procédure pénale, des modifications sur le « sens de la peine », une diversification du mode de prise en charge des mineurs délinquants et de profonds changements sur l’organisation judiciaire notamment sur le fonctionnement des juridictions et leur spécialisation.

Dans le domaine de de la procédure civile, la loi prévoit de :
• développer les modes de règlement amiable des différends (recours obligatoire à la médiation ou à la conciliation pour certains litiges avant de pouvoir saisir un juge) ;
• mettre en place un mode de saisine unique en matière civile (il en existe cinq actuellement) ;
• modifier la procédure de divorce en supprimant la phase de conciliation dans les cas où le divorce n’est pas prononcé par consentement mutuel ;
• simplifier la protection des majeurs vulnérables, en permettant au juge des tutelles de décider d’une dispense de vérification des comptes quand les revenus ou le patrimoine de la personne protégée sont très modiques ;
• professionnaliser la gestion des fonds saisis sur les rémunérations en la confiant à la Caisse des dépôts et consignations ;
• étendre le recours à l’avocat dans des contentieux complexes ;
• permettre un règlement dématérialisé des litiges de la vie quotidienne (dépôt de plaintes en ligne) ;
• créer une juridiction nationale de traitement des injonctions de payer ;
• retirer aux juridictions des tâches non contentieuses ;

En matière de justice administrative, la loi prévoit d’élargir les possibilités de recourir à des magistrats honoraires et d’autoriser le recrutement de juristes assistants.

Le texte a également touché sensiblement à la procédure pénale.

Désormais, il sera possible de porter plainte en ligne et de de se constituer partie civile par voie dématérialisée.
La Loi prévoit une extension des pouvoirs et habilitations donnés aux officiers et agents de police judiciaire pour exercer leur compétence sur l’ensemble du territoire national.

La loi propose d’expérimenter dans certains départements une juridiction criminelle départemental pour juger les crimes punis de 15 à 20 ans. Ces juridictions seront composés de cinq magistrats, sans jury populaire.

Toujours sur le volet pénal, la loi réécrit l’échelle des peines :
• en dessous d’un mois, les peines d’emprisonnement sont interdites ;
• entre un et six mois, la peine s’exécutera par principe en dehors d’un établissement de détention sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un placement dans un centre de semi-liberté ou en placement extérieur dans une association ;
• entre six mois et un an, le juge pourra prononcer une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique ou une peine d’emprisonnement ;
• au-delà d’un an, les peines d’emprisonnement seront exécutées sans aménagement ;
• les différentes peines de stage seront fusionnées dans une peine unique, au régime unifié, qui sera plus facilement prononçable par les juridictions.

La loi prévoit d’étendre les possibilités de recours au travail d’intérêt général.

La sortie des mineurs des centres éducatifs fermés doit être progressive. Un accueil dans un autre lieu (établissements éducatifs plus ouverts, familles d’accueil, foyers de jeunes travailleurs ou encore hébergement autonome en appartement) peut être organisé. Une mesure éducative d’accueil de jour est instaurée à titre expérimental. Les mineurs peuvent y bénéficier d’un accompagnement quotidien, intensif et pluridisciplinaire, adaptée à leur situation personnelle, scolaire et familiale.

Le texte crée un Parquet national antiterroriste placé auprès du tribunal de grande instance de Paris.

Dans le domaine de l’organisation judiciaire, la loi prévoit la fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance (TGI) dans un tribunal judiciaire aux compétences étendues. Entre les TGI d’un même département, le contentieux peut être réparti pour faciliter la création de chambres spécialisées. Une expérimentation sera lancée dans deux régions comprenant plusieurs cours d’appel (lesquels ?).

Cette expérimentation sera sensée permettre de conférer à des chefs de cour d’appel des fonctions d’animation et de coordination pour plusieurs cours d’appel. Elle tend à spécialiser des cours d’appel dans certains contentieux civils (mais lesquels ?).

En première lecture le Sénat a apporté les modifications suivantes au texte initial :
• en augmentant le budget du ministère de la justice à 9 milliards d’euros contre 8,3 dans le projet initial ;
• garantissant l’accès au juge pour tous les justiciables ;
• créant d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour les étrangers coupables de délits ou crimes punis d’au moins de cinq d’emprisonnement ;
• prévoyant d’informer les victimes d’agression quant au statut carcéral de leur agresseur et aux conditions de sa sortie d’incarcération ;
• supprimant tout examen obligatoire des peines d’emprisonnement aux fins d’aménagement.

On rappellera que, contre toute attente, l’Assemblée nationale a, en première lecture, voté un amendement habilitant le Gouvernement à réformer par ordonnance la justice des mineurs. Cette disposition a été supprimée en nouvelle lecture par le Sénat.

Les dispositions suivantes ont été censurées par le Conseil constitutionnel :
• la révision des pensions alimentaires par les Caisses d’allocations familiales ;
• le recours à des techniques spéciales spéciales d’enquête (interceptions de correspondance, etc.), dans le cadre d’une enquête de flagrance ou préliminaire, pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées ;
• la possibilité de passer outre l’accord de la personne pour une visio-audience (ou visio-conférence) dans le cadre des débats pour la prolongation d’une mesure de détention provisoire en prison d’une personne mise en examen pour crime ou délit puni d’au moins 3 ans d’emprisonnement. ;
• la possibilité pour le procureur de la République d’autoriser les agents chargés de procéder à la comparution d’une personne à pénétrer dans un domicile après six heures et avant vingt-et-une heures.

Sur l’amende forfaitaire délictuelle, le Conseil a assorti sa validation d’une réserve d’interprétation : l’amende forfaitaire ne peut porter que sur les délits les moins graves.

L’ensemble de la LOI JUSTICE va profondément modifier le fonctionnement de notre institution judiciaire.
Certaines de ses dispositions sont d’application immédiate.

D’autres doivent faire l’objet de décret.

D’autres encore sont reportées au 1er janvier 2020 ou au 1er juillet 2021.

Les premières circulaires sont en cours de publication.

Nous reviendrons régulièrement pour vous en donner connaissance lors de prochains articles sur notre site Internet.

A suivre donc…

Retrouvez l'ensemble de la la LOI JUSTICE telle qu'elle a été publiée au JO sur le lien ci-dessous.

Et, pour tous renseignements, contactez :

Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Ancien président de la Conférence Régionale des Bâtonniers de Normandie
Membre du Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Rouen
https://www.linkedin.com/in/arnaud-de-saint-remy-a65582122/

LOI N° 2019-222 DU 23 MARS 2019 DE PROGRAMMATION 2018-2022 ET DE RÉFORME POUR LA JUSTICE