Retour sur le nouveau régime de présomption d’imputabilité au service issu de l’ordonnance du 19 janvier 2017

Retour sur le nouveau régime de présomption d’imputabilité au service issu de l’ordonnance du 19 janvier 2017

L’ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d’activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, publiée le 20 janvier suivant, a introduit dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, un nouvel article 21 bis qui instaure un régime de présomption d’imputabilité au service pour les accidents de service et certaines maladies professionnelles contractées dans l’exercice des fonctions.

A noter : L’ordonnance du 19 janvier 2017 a été ratifiée par l’article 44 I de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, de sorte que sa légalité n’est plus susceptible d’être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir.

- S’agissant de l’accident de service :

Antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 19 janvier 2017, le fonctionnaire qui s’estimait victime d’un accident de service devait démontrer que l’accident était rattaché à l’exercice de ses fonctions.

Désormais, « Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal » (article 21 bis II).

Il y a donc renversement de la charge de la preuve : le fonctionnaire n’a plus à prouver l’imputabilité au service d’un accident dès lors que celui-ci répond à la définition de l’article 21 bis II.
Cette présomption tombe en cas « de faute personnelle du fonctionnaire ou de toute circonstance particulière détachant l’accident du service ».

C’est donc à l’administration de démontrer que l’accident n’est pas imputable au service, si elle estime que la présomption doit être écartée.

Elle doit, dans ce cas, établir l’existence d’un fait personnel ou de toute autre circonstance particulière de nature à détacher l’accident du service.

- S’agissant de la maladie professionnelle :

Précédemment, le fonctionnaire qui s’estimait victime d’une maladie contractée ou aggravée en service devait établir l’imputabilité au service de sa maladie.

En effet, aucune disposition ne rendait applicable aux fonctionnaires les dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d’origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau (CE, 27/04/2015, n°374541).

Désormais, « Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau » (article 21 bis IV).

Comme en matière d’accident de service, il y a renversement de la charge de la preuve : le fonctionnaire n’a plus à prouver l’imputabilité au service de sa maladie dès lors que celle-ci répond à la définition de l’article 21 bis.

C’est à l’administration de démontrer que la maladie n’est pas imputable au service si elle estime que la présomption doit être écartée.

L’article 21 bis IV prévoit deux situations dans lesquelles la présomption ne s’applique pas :

D’une part, dans le cas d’une maladie désignée par un tableau, lorsqu’une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, il appartient au fonctionnaire ou à ses ayants droit d’établir que la maladie est directement causée par l’exercice des fonctions.

D’autre part, dans le cas d’une maladie non désignée dans les tableaux des maladies professionnelles (c’est le cas notamment des troubles anxio-dépressifs), il appartient au fonctionnaire ou à ses ayants droit d’établir que la maladie est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat, non encore intervenu à ce jour.

Dans ces conditions, le fonctionnaire sollicitant la reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie non désignée par les tableaux des maladies professionnelles devrait « seulement » établir que la maladie est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions.
L’ESSENTIEL :

Un nouvel article 21 bis a été ajouté au titre 1er du statut général des fonctionnaires. Il apporte des précisions sur la question toujours délicate de l’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie.

Cet article pose une présomption d’imputabilité au service pour « tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ».

A propos de la maladie, l’apport de l’ordonnance du 19 janvier 2017 est plus important car celle-ci renverse la jurisprudence qui s’opposait à l’application aux fonctionnaires des dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, lequel institue une présomption d’origine professionnelle pour toute maladie mentionnée dans un tableau de maladies professionnelles. Sur ce point, le droit de la fonction publique est désormais aligné sur le droit du travail.

Si la présomption introduite par ces nouvelles dispositions facilite la reconnaissance du caractère professionnel, elle reste une présomption simple, pouvant être renversée par toute preuve contraire et ne dispense pas l’agent de démontrer qu’il remplit les conditions pour en bénéficier et d’établir la matérialité des faits (existence d’une lésion et de sa survenance à l’occasion du travail).

De ce fait, l’administration peut toujours estimer que ces éléments ne sont pas réunis et donc refuser la reconnaissance de l’imputabilité au service.

En cas de contentieux, il appartiendra alors à l’agent d’apporter la preuve de la matérialité des faits et à l’administration, celle de l’absence d’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie.

Par ailleurs, la reconnaissance de l’imputabilité de l’accident ou de la maladie ne se limite pas aux hypothèses qui s’inscrivent dans le champ de ces présomptions.

Ainsi, une maladie peut être considérée comme imputable au service alors même qu’elle n’entre pas dans le champ de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ou même qu’elle ne figure pas sur les tableaux auxquels renvoie celui-ci.

Il revient alors à l’agent de démontrer le caractère direct du lien existant entre sa maladie et l’exercice de ses fonctions.

Pour plus de renseignements, contactez :

Sandrine GILLET
Avocat associé
Spécialisée en Droit Public
sgillet@emo-avocats.com

Céline MALET
Avocat
cmalet@emo-avocats.com

Charles CARLUIS
Avocat
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L’ORDONNANCE N°2017-53 DU 19 JANVIER 2017 PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES AU COMPTE PERSONNEL D’ACTIVITÉ, À LA FORMATION ET À LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE