Actuellement en discussion au Parlement, ce projet de loi contient plusieurs dispositions de nature à modifier en profondeur les principes traditionnels qui gouvernent le droit des sociétés, à commencer par la définition légale de la notion d’entreprise.
En particulier, la réforme introduit dans cette définition la notion d’intérêt social et reconnaît aux sociétés qui le souhaitent la possibilité de se doter d’une raison d’être dans leurs statuts.
Le texte intègre ainsi dans le droit positif l’aspiration des citoyens à considérer qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, ainsi que cela est rappelé dans le rapport SENART-NOTAT à l’origine de ce projet de réforme, remis au gouvernement le vendredi 9 mars 2018.
Le texte voté en première lecture l’assemblée nationale le 9 octobre 2018 prévoit, en son article 61 :
I. – Le chapitre Ier du titre IX du livre III du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 1833 est complété par un alinéa ainsi rédigé : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. » ;
2° L’article 1835 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité. »
Pour permettre la mise en œuvre concrète de cette « raison d’être », les dispositions du code de commerce sont elles aussi modifiées, notamment en confiant aux conseils administrations et de surveillance le soin de déterminer les orientations de l’activité de la société « conformément à son intérêt social et en prenant en considération ses enjeux sociaux et environnementaux » et « la raison d’être de la société, lorsque celle-ci est définie dans les statuts en application de l’article 1835 du code civil »
Parallèlement, la loi introduit dans le code de commerce un nouveau type de société « à mission » :
I. – Le titre Ier du livre II du code de commerce est complété par des articles L. 210-10 à L. 210-12 ainsi rédigés :
« Art. L. 210-10. – Constitue une société à mission une société dotée d’une raison d’être au sens de l’article 1835 du code civil dont les statuts :
« 1° Définissent une mission qui assigne à la société la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux conformes à sa raison d’être ;
« 2° Précisent la composition, le fonctionnement et les moyens de l’organe social, distinct des organes prévus par le présent livre, qui doit comporter au moins un salarié, chargé exclusivement de suivre l’exécution de la mission inscrite au 1°.
« L’organe social mentionné au 2° procède à toute vérification qu’il juge opportune et peut se faire communiquer tout document nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Il présente à l’assemblée chargée de l’approbation des comptes de la société un rapport joint au rapport de gestion.
« Les actes pris, pour la mise en œuvre de la mission mentionnée au 1°, par les dirigeants investis par la loi du pouvoir d’engager la société sont réputés ne pas dépasser l’objet social. Ces dirigeants sont responsables à l’égard de la société de la mise en œuvre de la mission. »
En dehors de l’attribution d’un label, l’absence de précision sur le statut de ses sociétés ne doit pas pour autant atténuer l’importance d’une telle réforme dont l’objectif principal est de rééquilibrer les rapports de force entre les actionnaires et les autres « parties prenantes » de l’entreprise (salariés, clients, fournisseurs) dans une perspective de long terme.
Désormais, on ne peut plus affirmer que le profit est la seule raison d’être de l’entreprise et que l’actionnaire en est le seul propriétaire.
Le Sénat qui entame le 29 janvier 2019 l'examen de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, devrait rapidement le confirmer.
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Frédéric CANTON
avocat associé
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