Prescription des infractions de presse : la réactivation d'un site internet constitue une publication nouvelle

Prescription des infractions de presse : la réactivation d'un site internet constitue une publication nouvelle

En marge des discussions qui se poursuivent au parlement sur la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale sur laquelle nous reviendrons dans un prochain article d’actualité puisque le vote définitif de la loi est attendu d’ici la fin du mois de février, voici une jurisprudence intéressante en matière d’infractions de presse sur la notion de point de départ de la prescription de l'action publique (et/ou civile).

La Cour de cassation vient de juger qu’une nouvelle mise à disposition du public, d'un contenu précédemment mis en ligne sur un site internet dont le titulaire a volontairement réactivé ledit site sur le réseau internet, après l'avoir désactivé, constitue une reproduction au sens de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881.

C’est ce que retient la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 février 2017 (Cass.crim., 7 février 2017, n° 15-83.439, F-P+B).

En l'espèce, une société avait déposé plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation, en raison d'un article publié sur un site internet.

Sa plainte avait été déposée après qu’un article litigieux ait été publié sur le site en cause, les 1er, 7 et 9 décembre 2010, ayant fait constater par huissier de justice le 15 juin 2012, qu'il n'était plus en ligne. Or, le 24 avril 2013, elle avait fait constater, par acte d'huissier, qu'avec le même contenu, le site était de nouveau en ligne, ce qui constituait une réédition des propos. Elle estimait donc sa plainte recevable.

Une information judiciaire avait alors été ouverte et le directeur de publication du site en cause avait été mis en examen.

Dans son audition, ce dernier avait confirmé qu'il avait désactivé le site en juin 2012, avant de le réactiver avec le même contenu, en septembre ou octobre 2012.

Le juge d'instruction, considérant que les faits étaient prescrits, avait rendu une ordonnance de non-lieu.

La partie civile en a relevé appel.

Pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt de la Chambre de l’instruction avait retenu que l'opération de réactivation du site litigieux ne constituait pas un nouvel acte de publication, la première mise à disposition du public étant les 1er, 7 et 9 décembre 2010, l'action publique était alors prescrite au jour du dépôt de plainte.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation estime cette appréciation erronée.

Au visa de l'article 65 de la loi de 1881, elle énonce le principe selon lequel la réactivation d'un site internet constitue une publication nouvelle et censure l'arrêt des juges d’appel en ce qu'ils avaient, à tort, considéré comme prescrite l'action publique.

En conclusion (et ce jusqu'à la prochaine réforme de la prescription en matière pénale), il n'est jamais trop tard pour agir lorsque l'information circule sur le Net, ou s'y maintient d'une manière ou d'une autre.

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Arnaud de SAINT REMY
Ancien bâtonnier de l'Ordre - Avocat associé du Cabinet EMO HEBERT & Associés en charge du Pôle des affaires pénales
adestremy@emo-hebert.com