La prise en charge d'une amende par l'employeur est un avantage en nature soumis à charge sociale : la double peine ?

La prise en charge d'une amende par l'employeur est un avantage en nature soumis à charge sociale : la double peine ?

l arrive que l’employeur consente à prendre en charge les amendes résultant des infractions routières commises par ses salariés à bord des véhicules de l’entreprise (voiture, camions, etc…).

L’objectif est ainsi d’éviter une perte de points affectant le permis de conduire du salarié contrevenant, applicable en cas de paiement de l’amende par le conducteur.

On rappellera en effet qu’en vertu des articles L.121-1, L.121-2 et L.121-3 du code de la route, « le titulaire du certificat d’immatriculation est responsable pécuniairement des infractions » à la réglementation sur le stationnement des véhicules, l’acquittement des péages, les vitesses maximales autorisées, le respect des distances de sécurité entre les véhicules, l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules et les signalisations imposant l’arrêt des véhicules.

Il s’agit là ici uniquement une « responsabilité pécuniaire », et non une « responsabilité pénale ».

Cela veut dire que la prise en charge d’une amende par le titulaire du certificat d’immatriculation n’entraine pas pour lui de perte de points sur son permis de conduire et n’est pas non plus prise en cause en cas de récidive.

On considère alors que l’auteur de l’infraction n’est pas identifié ou identifiable ; l’entreprise est propriétaire du véhicule relevé en infraction ; et il est décidé de ne pas désigner le conducteur réel du véhicule à l’autorité poursuivante.

Ce dispositif présente un intérêt évident pour le conducteur, personne physique, qui échappe ainsi à la responsabilité pénale, donc à la perte de points (à condition toutefois qu’il n’ait pas été interpellé sur le fait par l’agent verbalisateur puisqu’en pareille hypothèse, il aura été identifié).

La Cour de cassation a eu à juger des conséquences de la prise en charge de ces amendes routières par l’employeur au regard des règles de la sécurité sociale.

La question était de savoir si cette prise en charge pécuniaire des amendes est elle-même soumise à charges sociales ?

Censurant les juges d’appel, la Cour de cassation a répondu à cette question par l’affirmative.

Elle juge en effet que constitue un avantage, au sens de l’article L.242-1 du Code de la Sécurité sociale, la prise en charge, par l'employeur, des amendes réprimant une contravention au Code de la route commise par un salarié de l'entreprise.

C’est le sens de l’arrêt rendu tout récemment par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 9 mars 2017 (Références : Pourvoi n° 15-27.538).

Les circonstances dans lesquelles l’affaire a été jugée sont simples.

A la suite d’un contrôle portant sur les années 2010 et 2011, l’URSSAF avait notifié à une entreprise un redressement résultant notamment de la réintégration, dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, du montant des amendes réprimant des contraventions au code de la route commises par des salariés de l’entreprise.

Le montant de ces réintégrations au titre de ce redressement était relativement conséquent, eu égard au nombre des salariés concernés et à la durée contrôlée.

L’employeur qui avait ainsi pris en charge les amendes en application des dispositions des articles L.121-1, L.121-2 et L.121-3 du code de la route avait donc saisi d’un recours la juridiction de sécurité sociale.

Pour accueillir ce recours, l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges rendu le 25 septembre 2015 énonçait que la prise en charge par l’employeur des amendes infligées au titre desdites contraventions commises par ses salariés au moyen d’un véhicule de la société ou d’un véhicule loué correspondait à la seule application des dispositions du code de la route et ne pouvait donc être assimilée à un avantage en nature devant donner lieu à cotisations, peu important que l’employeur dispose de la faculté d’établir l’existence d’un événement de force majeure ou d’un vol ou de fournir des renseignements permettant d’identifier l’auteur véritable de l’infraction pour s’exonérer du principe de sa responsabilité pécuniaire.

La Cour de cassation censure l’analyse des juges de la Cour d’appel.

En effet, elle juge au visa de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, que, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations « toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire ».

Et d’ajouter la solution de principe : « constitue un avantage, au sens de cette disposition, la prise en charge, par l’employeur, des amendes réprimant une contravention au code de la route commise par un salarié de l’entreprise ».

La solution a une certaine logique, il est vrai, mais elle est rude financièrement puisque l’employeur paie deux fois : l’amende, plus les charges sociales qui découlent de cette contribution.

Ainsi, l’URSSAF est fondée à redresser l’employeur.

En conclusion, l’employeur doit donc savoir que, lorsqu’il consent à ces salariés une prise en charge des amendes routières qu’ils commettent, il leur accorde un avantage en nature soumis à charge social.

L’addition pour l’entreprise s’avère donc au final plus lourde que prévue, même si la contravention fait l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire minorée (entre 22 et 90 €, selon le type de contravention) au cas où elle est réglée rapidement (dans les 15 jours de l’avis de contravention).

Employeur et salariés doivent ainsi en avoir bien conscience.


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Arnaud de SAINT REMY
Avocat associé du cabinet EMO HEBERT
En charge du Pôle des affaires de droit pénal
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