Les affres de la procédure d'appel

Les affres de la procédure d'appel

La Cour d’Appel demeure le 2ème degré de juridiction devant lequel la totalité d’une affaire pourra à nouveau être jugée en droit comme en fait.

Au-delà, restent bien évidemment les voies de recours dites extraordinaires, dont le pourvoi en cassation.

Il ne donne lieu à cassation de la décision qu’en cas de rare erreur de droit.

Le dossier est alors renvoyé devant une Cour d’Appel chargée de se conformer aux prescriptions de la Cour de cassation. Autant dire que la dernière véritable chance offerte aux plaideurs devant les juridictions d’appel ne doit pas être galvaudée.

Or, sans remettre en cause le principe de plénitude de cette juridiction, la profonde réforme de la procédure d’appel issue du décret dit Magendie du 9 décembre 2009 soumet les parties à des exigences formelles drastiques.

Parmi les pièges en résultant, figurent sans conteste les prescriptions de l’article 954 du Code de Procédure Civile.

Le législateur a notamment prévu que :

« La Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnées et la Cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées ».

En d’autres termes, que l’avocat oublie de reprendre dans le résumé (dénommé dispositif) de ses demandes obligatoirement formulées par écrit dans le document procéduralement intitulé « conclusions », une prétention ab initio ou dans le dernier argumentaire qu’il soumet à la Cour… et les juges ne pourront y faire droit !

La Cour d’Appel de ROUEN vient d’en faire une redoutable application dans trois arrêts rendus le 12 septembre 2018.

Les acheteurs de différents lots d’un immeuble en copropriétaire étaient confrontés à une infestation de mérule (redoutable champignon lignivore de nature à ruiner n’importe quel bâtiment).

Cela avait justifié une action en justice à l’encontre de leurs vendeurs et la mise en cause de la responsabilité des professionnels intervenus lors de la vente (agents immobiliers et notaires).

Le Tribunal les avait déboutés.

En appel, la Cour leur donne raison en consacrant la responsabilité des défendeurs.

La situation se complique lorsqu’il s’agit de statuer sur l’évaluation des préjudices.

Les juges d’appel sont contraints de constater que le dispositif des conclusions se limite à la reprise d’une demande d’indemnisation d’un préjudice moral…

Ils ne peuvent allouer qu’une modeste somme de principe aux demandeurs.

Pourtant, ils faisaient pour l’essentiel valoir d’importants travaux de rénovation !

La procédure d’appel ne supporte plus l’à-peu-près.

Les parties doivent en être conscientes lorsqu’elles font choix d’un représentant en justice, sauf à subir de nouvelles déconvenues.


Pour tous renseignements :

Pascal MARTIN-MENARD
Avocat associé
pmartin@emo-hebert.com