Jurisprudence : les dangers de la communication d’un licenciement concomitamment à l’envoi de la lettre de rupture

Jurisprudence : les dangers de la communication d’un licenciement concomitamment à l’envoi de la lettre de rupture

Toute communication sur le départ du salarié de l’entreprise avant même la notification du licenciement permet de constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Quels sont les faits ?

Un salarié a été licencié pour faute grave.

L’employeur a envoyé la lettre de licenciement le 7 février 2019.

Le même jour, il appelle le salarié pour l’informer de son licenciement, afin d’éviter au salarié de se présenter sur son lieu de travail.

Le salarié soutenait avoir été licencié verbalement.

Quelles sont les règles ?

Pour la Cour de cassation, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture.

Le Code du travail prévoit que l’employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il est donc de jurisprudence constante que le licenciement verbal est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le cas où un employeur appelle un salarié pour le prévenir de son licenciement après avoir envoyé la lettre de licenciement : elle a jugé que si la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture du contrat de travail avait été expédiée au salarié avant la conversation téléphonique, l'employeur avait déjà irrévocablement manifesté sa volonté d'y mettre fin (Cass. Soc. 28 septembre 2022 / n° 21-15.605).

Quel est l'apport de l'arrêt du 3 avril 2024 ?

Dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt du 3 avril 2024, l’appel au salarié et l’envoi du courrier ont bien été réalisés le même jour, soit le 7 février 2019.

Cependant, le salarié soutenait avoir reçu l’appel de l’employeur avant l’envoi du courrier de licenciement. Pour autant, il n’en apportait pas la preuve.

Quant à l’employeur, il n’apportait pas non plus la preuve que le courrier avant été envoyé avant l’appel au salarié.

Pour cette raison, la Cour de cassation a considéré le licenciement verbal, et donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Si l’employeur avait rapporté la preuve de cette chronologie, le licenciement n’aurait alors pu être qualifié de verbal, de sorte que la cause réelle et sérieuse n’aurait pu être contestée à ce titre.

En tant qu’employeur, il convient donc :

- Soit de pouvoir démontrer que l’appel téléphonique est postérieur à l’envoi du courrier de licenciement, preuve qui peut être compliquée à rapporter.

- Soit d’appeler le salarié le lendemain de l’envoi du courrier, avant sa prise de poste.

La prudence est de mise.

Source : Cass. Soc. 3 avril 2024 / n° 23-10.931

Contactez-nous

L’équipe du Pôle Social dirigé par Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN se tient bien entendu à votre disposition pour répondre à vos questions et vous accompagner sur ce sujet.

Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
echauvin@emo-avocats.com

Clémence MOREAU
Avocat
Pôle social du cabinet EMO AVOCATS
cmoreau@emo-avocats.com