Jurisprudence : revirement sur le temps de trajet d’un salarié itinérant

Jurisprudence : revirement sur le temps de trajet d’un salarié itinérant

Le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile peut, dans certains cas, être pris en compte au titre des heures supplémentaires.

Un salarié commercial itinérant devait, en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d'appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens

Il exerçait des fonctions de ''technico-commercial'' itinérant, ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l'entreprise pour l'exercice de sa prestation de travail, et disposait d'un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l'entreprise répartis sur sept départements.

Une partie de ses communications téléphoniques professionnelles avaient lieu sur le chemin qui le menait de son domicile à son premier client puis de son dernier client à son domicile, sans faire l’objet d’une rémunération.

Ce travailleur itinérant a demandé le paiement d’un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires correspondant à ses temps de trajets de début et fin de journée professionnelle.

Que prévoit la loi ? Le code du travail prévoit que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, le code du travail prévoit une contrepartie (repos ou compensation financière) lorsque le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel est dépassé.

En application de ces dispositions du code du travail, un salarié itinérant ne pouvait obtenir le paiement d’heures supplémentaires effectuées sur son temps de trajet domicile/client.

Tenant compte du droit de l’Union européenne, la Cour de cassation prend désormais en compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif.

La Cour de cassation indique qu’en cas de litige, il revient au juge de vérifier si, pendant ce temps de trajet, le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles :

Dans l’affirmative, ce temps devra être pris en compte dans le temps de travail effectif, notamment au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées ;

Dans le cas contraire, le salarié ne peut prétendre qu’à la contrepartie financière ou sous forme de repos prévue par l’article L.3121-4 du Code du travail, lorsqu’il dépasse le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail.

Dans cette affaire, pendant les temps de trajet entre son domicile et ses premier et dernier clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

La condamnation de l’employeur au paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires est donc confirmée.

En cas de litige, les juges devront donc se livrer à une appréciation in concreto.

Source : Cass. soc, 23 novembre 2022, n° 20-21924

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Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
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Clémence MOREAU
Avocat
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CASS. SOC, 23 NOVEMBRE 2022, N° 20-21924