Les loyers commerciaux sont dus malgré la fermeture pour urgence sanitaire

Les loyers commerciaux sont dus malgré la fermeture pour urgence sanitaire

La Cour de cassation a tranché par un arrêt récent. Les locataires ne peuvent échapper au paiement des loyers. Explications.

Position du problème

L’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de COVID-19, déclarant l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national, n’a pas été sans poser les nombreuses difficultés économiques connues du fait d’un ralentissement, voire d’une suspension de certaines activités commerciales.

La problématique procède plus précisément de l’interdiction de recevoir du public sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, avec une dérogation en faveur des seuls établissements dispensant des fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité.

La distinction entre les différentes activités professionnelles pouvant poursuivre leur exploitation durant la période d’urgence sanitaire résultait de dispositions réglementaires, source en leur temps de nombreuses controverses (notamment : décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 et décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, outre des arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des Solidarités et de la Santé).

Le manque de trésorerie des commerçants et la situation inédite ont rapidement suscité des interrogations sur le sort qui devait être réservé aux loyers stipulés dans un bail commercial en contrepartie de l’occupation des lieux pour exercer une activité temporairement interdite.

Depuis plus de deux ans, le contentieux faisait rage sur le fondement de plusieurs moyens de droit invoqués par les locataires pour contester le paiement de leurs loyers.

Qu'en dit la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a fini par être saisie du sujet et a rendu trois arrêts de principe par l’intermédiaire de sa 3ème Chambre Civile le 30 juin 2022 (arrêt n° 21-20190 ; arrêt n° 21‑20127 ; arrêt n° 21-19889).

La conclusion en est des plus claires.

Les locataires ne peuvent échapper au paiement des loyers.

La Cour de cassation a balayé les différents arguments de droit qu’ils avaient imaginés.

En premier lieu, les locataires ont invoqué les dispositions de l’article 1722 du Code Civil suivant lesquelles ils devraient être dispensés du paiement des loyers en présence d’une perte de la chose louée.

La Cour de cassation répond que l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ayant été décidée par les pouvoirs publics selon les catégories d’établissements, aux seules fins de garantir la santé publique, ne pouvait être assimilée à la perte de la chose car elle n’avait pas de lien direct avec la destination contractuelle du local loué.

En deuxième lieu, les locataires mettaient en avant que l’impossibilité d’exploiter les lieux, conformément à la destination prévue au bail, même si elle était imposée par les pouvoirs publics, constituait un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Le loyer étant la contrepartie de l’occupation des lieux qui ne pouvaient plus être utilisés en fonction de la destination prévue au bail, n’aurait plus été dû.

La Cour de cassation rejette encore cette argumentation en relevant que les locaux étaient bien mis à disposition du locataire par le propriétaire.

L’impossibilité d’exploiter était le seul fait du législateur, de telle sorte que ce n’était nullement constitutif d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance, justifiant que le locataire puisse refuser réciproquement de régler son loyer en invoquant une exception d’inexécution.

En troisième lieu, les locataires se prévalaient de la force majeure.

Mais le régime juridique découlant des restrictions sanitaires influait certes sur l’occupation des lieux et l’exécution de l’obligation de mise à disposition de ceux-ci par le bailleur, mais n’interdisait nullement l’obligation réciproque pesant sur le locataire de régler son loyer.

Conformément à des principes de droit constants, la Cour de cassation rappelle que la force majeure empêchant son co-contractant d’exécution son obligation ne peut être invoquée pour refuser d’exécuter sa propre obligation.

En quatrième lieu, la Cour de cassation rejette le dernier argument fondé sur le principe résultant de l’article 1104 du Code Civil, suivant lequel le contrat doit être exécuté de bonne foi.

Il est vrai qu’il était difficile d’imputer à la mauvaise foi prétendue du bailleur la situation qui résultait d’une obligation légale.

Conclusions

La solution peut apparaître sévère pour les locataires.

Mais elle est argumentée en droit et le fruit d’une intense réflexion après analyse des différentes décisions qui avaient précédemment été rendues par les différents Tribunaux et Cours d’Appel.

En tout état de cause, elle fixe définitivement le sort des loyers commerciaux résultant de la situation sanitaire découlant de la COVID-19, qui était discuté depuis plus de deux ans.

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Pascal MARTIN-MENARD
Avocat associé - Chargé du Pôle Patrimoine Droit immobilier et du Pôle droit de la responsabilité
pmartin@emo-avocats.com