L’imputabilité du vaccin dans la survenance de la maladie doit être prouvée pour que la responsabilité du fabricant du vaccin soit retenue en justice.
C’est l’enseignement qu’il faut retenir de l’arrêt de la Cour de Cassation rendu le 18 octobre 2017 n°15-20.791.
Dans cette espèce, une femme avait reçu, en 1986, trois injections de vaccin contre l’hépatite B.
Pour autant, elle ne parvenait pas à développer des anticorps, si bien que dix injections supplémentaires furent effectuées, jusqu’en 1993.
Or, précisément à cette date, elle aurait commencé à se plaindre de troubles sensitifs au niveau des mains, puis en 1995 d’un état de fatigue chronique.
La situation s’aggravant, elle dut finalement cesser de travailler en 1998.
Des examens approfondis permettaient de poser le diagnostic d’une sclérose en plaques.
Faisant le lien avec la vaccination qu’elle avait reçue, la patiente engagea une action en justice à l’encontre du fabricant du vaccin.
La Cour d’appel l’en débouta estimant que la preuve n’était pas rapportée par la plaignante de la défectuosité du produit.
Dans son arrêt du 18 octobre 2017, la Cour de Cassation vient de rejeter son pourvoi, motifs pris de l’appréciation souveraine des juges du fond et de la parfaite motivation de leur décision.
L’on se souviendra que la haute juridiction judiciaire avait admis, dans deux importants arrêts du 22 mai 2008, que la preuve du lien causal, entre vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques, pouvait être faite sur la base de « présomptions graves, précises et concordantes ».
Les principaux critères étant l’absence d’antécédents familiaux, la proximité temporelle (entre injection du vaccin et apparition des premiers symptômes) et la possibilité scientifique (doute légitime).
Mais cette jurisprudence s’était constituée au regard des (anciens) articles 1147 et 1382 du Code Civil et ne portait pas directement sur la défectuosité même du vaccin.
Si bien que la Cour de Cassation jugea utile de questionner le juge européen sur sa validité, au regard de la directive communautaire du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, transposée en droit français aux (anciens) articles 1386-1 et suivants du Code Civil.
Dans un récent arrêt du 21 juin 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) considère que la directive ne s’oppose pas à un système juridique national admettant la preuve de la défectuosité par le mécanisme du faisceau d’indices (graves, précis et concordants).
La raison en étant que ce texte régit la charge de la preuve, et non les modalités d’administration de la preuve.
Pour la CJUE, ce qui importe c’est que le droit national respecte le principe communautaire selon lequel la charge de la preuve du défaut pèse sur le plaignant (ce n’est pas au fabricant de faire la démonstration de l’innocuité de son produit).
Les indices doivent être suffisamment pertinents pour autoriser la conclusion selon laquelle l’existence du défaut apparaît comme « l’explication la plus plausible » de la survenance du dommage.
En revanche, la CJUE s’empresse de préciser que la directive s’oppose à un système juridique national qui poserait que la causalité et la défectuosité seraient automatiquement établies lorsque lesdits critères sont réunis.
Ce faisant, la haute juridiction de l’Union censure toute velléité d’arrêter une liste d’éléments de nature à faire, en quelque sorte, présumer irréfragablement la causalité et la défectuosité.
Car l’on toucherait alors à la charge de la preuve, ce qui est prohibé.
Il appartient donc aux juges du fond de se livrer à une analyse casuistique des données de l’espèce, afin de déterminer si l’imputabilité peut être retenue.
Or, dans le cas présent, s’ils notent l’absence d’antécédents familiaux et relèvent les doutes émis par les experts, ils retiennent que la plaignante n’est pas parvenue à dater précisément l’apparition des symptômes, ce qui réduit à néant le critère de la proximité temporelle, laquelle ne peut être suppléée par l’importance des quantités reçues, dont l’incidence éventuelle n’est pas scientifiquement établie.
La Cour de Cassation confirme l’analyse des premiers juges en considérant qu’elle relève d’une appréciation souveraine des faits de l’espèce.
En conséquence, les personnes développant une sclérose en plaques dans les suites d’une vaccination devront continuer le combat judiciaire, ce qui constitue en soi une épreuve supplémentaire.
Pour tous renseignements, contactez :
Marie-Noëlle CAMPERGUE
Avocat associée en charge du Pôle des affaires civiles et RCPro
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Alexandre NOBLET
Avocat
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