Le barème d’indemnisation prévu par l’article L1235-3 du Code du travail dit « Barème Macron » en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est écarté par la Cour d’appel de Paris dans une décision rendue le 16 mars 2021 au nom d’une réparation adéquate et appropriée.
Qu'est-ce que le barème Macron ?
Depuis le 24 septembre 2017, lorsque le licenciement prononcé par un employeur est considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse par les juges, le salarié doit en théorie être indemnisé selon un barème communément appelé « barème Macron ».
De nombreux Conseils de prud’hommes ont ainsi été saisis par des salariés contestant la conformité de ces nouvelles règles d'indemnisation aux normes internationales, et particulièrement à l'article 10 de la Convention n° 158 de l'organisation internationale du travail (OIT) et à l'article 24 de la Charte sociale européenne.
Ces textes internationaux exigent en la matière notamment « une indemnité adéquate ou une réparation appropriée ».
Saisie pour avis, la Cour de cassation a validé en juillet 2019 le principe de l’application de ce barème.
Mais ces avis ne lient pas les juges.
En septembre 2019, soit deux mois après les avis rendus par la Cour de cassation, la Cour d'appel de Paris a validé l'application du barème mais n'a pas exclu la possibilité d'y déroger au cas par cas.
Une semaine plus tard, la Cour d'appel de Reims a, elle, estimé que, « in abstracto », le barème était conforme aux textes européens et internationaux mais admis que le juge puisse en exercer un contrôle in concreto et, le cas échéant, l'écarter (à condition toutefois que le salarié demande aux juges d'exercer un tel contrôle).
Le 16 mars 2021, la Cour d'appel de Paris a eu, pour la deuxième fois, à prendre position sur l'application du barème Macron. Comme elle l’a indiqué dans son arrêt de septembre 2019, elle se laissait la possibilité de déroger au barème si la situation l’exigeait.
C’est chose faite.
Pourquoi le barème peut-il être écarté ?
Se fondant sur les dispositions de l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT, elle a écarté l'application du barème au profit d'une salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture de son contrat, estimant que l'indemnisation que le barème prévoit n'est ni adéquate, ni appropriée en l'espèce, « compte tenu de la situation concrète et particulière » de l'intéressée.
Pour cette salariée ayant une ancienneté de moins de 4 ans, le barème Macron prévoit une indemnisation comprise entre 3 et 4 mois de salaire.
Appliquer le barème reviendrait, selon les juges, à indemniser « à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement », le préjudice correspondant à leurs yeux à la différence entre l'ancien revenu d’activité de la salariée et les allocations chômage versées par Pôle emploi.
La salariée a ainsi obtenu une indemnisation représentant 7 mois de salaire, soit le double de l'indemnisation moyenne prévue par le barème.
Quelles conséquences si le barème est écarté ?
Cette nouvelle décision tend à fragiliser l’application du barème Macron, pouvant être écarté dans certains cas, selon le préjudice réellement subi et justifié par le salarié devant les prétoires.
Les conséquences peuvent être importantes en terme de prévisibilité de l'indemnisation.
Les objectifs de loi sont donc remises en cause.
Notre pôle social surveillera toute décision sur le sujet, et notamment les décisions de la Cour de cassation à ce sujet (qui n’a pour l’instant prononcé que des avis).
Les analyses de risques devront être au plus près du préjudice réellement subi par le salarié : il n’y a pas d’automaticité d’application du barème Macron.
Source : arrêt Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021, n° 19/08721
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Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
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Clémence MOREAU
Avocat
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