L’avis du Conseil d’Etat était attendu.
Le Gouvernement n’avait pas expressément prévu de dérogations au couvre-feu instauré entre 18 heures et 6 heures du matin pour se rendre notamment dans les cabinets d’avocat.
Par son Ordonnance du 3 mars 2021, le Conseil d’Etat vient de sanctionner cette atteinte qu’il qualifie de grave et manifestement illégale à l’accès au droit et à la justice.
En clair, les avocats, comme tout professionnel du droit, peuvent recevoir leurs clients pendant le temps de la période de couvre-feu.
Ne pas pouvoir recevoir son client après 18h porte atteinte aux droits de la défense et à l'accès au droit
On rappellera que l’article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, tel que modifié par les décrets n° 2020-1582 du 14 décembre 2020 et n° 2021-31 du 15 janvier 2021, en tant qu’il ne prévoit pas de dérogation au couvre-feu instauré de 18 heures à 6 heures du matin afin d’effectuer des déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance.
Saisi à l’initiative de l’Ordre des avocats au barreau de Montpellier, le Conseil d’Etat devait examiner le recours formé par la Profession d’avocats du fait du dispositif de couvre-feu portant atteinte à plusieurs libertés fondamentales telles que la liberté d’entreprendre, le respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale, mais aussi et surtout le droit fondamental de l’accès au droit et à la justice et l’exercice des droits de la défense.
La Conférence des Bâtonniers et le Conseil national des barreaux ainsi que 10 autres barreaux et deux syndicats d’avocats avaient décidé d’intervenir volontairement dans le référé liberté contre le décret couvre-feu pour dénoncer l’interdiction qui en résultait pour les clients de se rendre dans un cabinet d’avocat après 18h00.
Le résultat de ce recours était attendu.
La victoire d'une profession pour la reconnaissance d'un droit fondamental
Le juge des référés sanctionne l’absence de toute dérogation permettant de se rendre chez un avocat après 18h00 et suspend le décret du 29 octobre en ce qu’il « ne prévoit aucune exception pour se rendre chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance » (Ordonnance n°449464 du 3 mars 2021).
Le Conseil d’Etat considère que l’interdiction de toute dérogation spécifique pour consulter un professionnel du droit et en particulier un avocat au-delà de 18 heures est de nature à rendre difficile voire, dans certains cas, impossible en pratique l’accès à un avocat dans des conditions, notamment en termes de respect effectif du secret des échanges entre l’avocat et son client, conformes aux exigences du respect des droits de la défense, pour les personnes qui sont astreintes à des contraintes horaires notamment en raison de leur profession. Il souligne que la consultation par téléconférence depuis son domicile, même lorsqu’elle est matériellement possible, peut ne pas être de nature à répondre à ces exigences en particulier s’agissant de différend de nature familiale ou personnelle.
Il ajoute également que, dans certains contentieux, tels que ceux qui opposent un consommateur et un professionnel de la vente ou de l’assurance ou encore un employé et son entreprise, l’exception prévue au 1° du I de l’article 4 est susceptible de permettre au professionnel en cause ou au chef de l’entreprise concernée ou à son représentant de se rendre, au-delà de 18 heures, au cabinet de son avocat pour le consulter en sa qualité de professionnel alors qu’il ne pourra en aller ainsi pour le consommateur ou l’employé en cause.
Dans ces conditions, il conclut que l’absence de toute dérogation permettant de se rendre chez un professionnel du droit et notamment un avocat pour un acte ou une démarche qui ne peut être réalisé à distance au-delà de 18 heures porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’exercer un recours effectif devant une juridiction dans des conditions assurant un respect effectif des droits de la défense et du droit à un procès équitable.
C’est une victoire pour la Profession et tous les avocats partout en France et en Outre-Mer ; elle profite également à tous les professionnels du droit (Notaires, Huissiers, Commissaires-Priseurs).
C’est aussi une victoire pour les Justiciables, les clients des avocats et de ces professionnels du droit.
Rien ne peut plus empêcher que les clients de nos cabinets puissent se rendre durant la période de couvre-feu, et même en période de confinement du week-end (ou en semaine) puisque le Décret l’autorise expressément dans les zones provisoirement confinées de 6h00 à 18h00.
Nous pouvons recevoir nos clients à tout moment lorsque cela est nécessaire.
C’est une victoire des droits de la défense.
Nota : Evidemment, les gestes barrières et le respect des règles sanitaires continuent à s'imposer à tout moment de la journée (Port du masque obligatoire et usage du gel hydroalcoolique recommandé).
Remerciements
Merci pour leur initiative à l’Ordre des avocats du barreau de Montpellier, au Conseil national des barreaux, à la Conférence des Bâtonniers, et aux autres barreaux qui étaient dans cette procédure : le barreau de Guyane, le barreau de Melun, le barreau de Périgueux, le barreau de Reims, le barreau de Seine-Saint-Denis, le barreau de Paris, le barreau de Béziers, le barreau de Meaux, le barreau de La Rochelle-Rochefort et le barreau de Toulon, ainsi que le Syndicat des avocats de France et la Fédération nationale des unions des jeunes avocats.
Pour tous renseignements, contactez-nous
Nous sommes joignables au 02 35 59 83 63
Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Membre élu du Conseil national des barreaux
adestremy@emo-avocats.com