Coronavirus Covid-19 : L’état d’urgence sanitaire est décrété, mais que dit vraiment le projet de loi destiné à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l'épidémie virale ?

Coronavirus Covid-19 : L’état d’urgence sanitaire est décrété, mais que dit vraiment le projet de loi destiné à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l'épidémie virale ?

Dans une déclaration publique suivie par la population, le Premier Ministre a annoncé l’instauration d’un ”état d’urgence sanitaire” institué pour la première fois de l’Histoire dans l’un des projets de loi présentés en Conseil des ministres de ce mercredi 18 mars.

Outre les aides pour lutter contre le choc économique qu’entraine la crise sanitaire, que dit ce projet de loi ?

Décryptage de quelques-unes des dispositions du projet de loi (v. le document in extenso en pièce jointe).

Aux termes de l’article 17 de ce projet, le Gouvernement demande au législateur l’autorisation de prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la future loi, un certain nombre de mesures provisoires, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire qui sera fixée par décret (12 jours maximum susceptibles d’être prorogés par une nouvelle loi).

Ces mesures sont destinées à "face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du virus Covid -19", dans le cadre du plan visant à limiter cette propagation, l'un des objectifs étant notamment de limiter les cessations d’activités d’entreprises quel qu’en soit le statut et les licenciements.

L’objet de ces mesures sera notamment :

a) de soutenir la trésorerie de ces entreprises ;

b) d’apporter une aide directe ou indirecte au profit des entreprises dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place d’un fonds dont le financement sera partagé avec les collectivités territoriales ;

c) et, en matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique, notamment de limiter les ruptures des contrats de travail, de prévoir des mesures :

- d’accompagnements financières telle l’indemnité complémentaire à l'allocation journalière versée en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident ;

- en matière de congés payés ;

- de durée du travail, de repos hebdomadaire et de repos dominical ;

- d’information et de consultation des instances représentatives du personnel ;

- dans le domaine du droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté afin de faciliter le traitement préventif des conséquences de la crise sanitaire ;

- dans le but de prolonger le délai fixé par la loi en matière de fourniture d’électricité pour les personnes les plus démunies ou encore de reportant la date de fin du sursis à toute mesure d’expulsion locative ;

- de reporter ou d’étaler le paiement des loyers, des factures de fluide et d’énergie afférents aux locaux professionnels, de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, , interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie.

De même (et ce point est important pour tous les professionnels du droit : avocats, huissiers, notaires, magistrats, greffiers, etc…), afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du virus Covid-19, et des mesures prises pour limiter cette propagation, le projet de loi envisage « toute mesure provisoire » :

a) Adaptant les délais applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative, ainsi que les délais de réalisation par les entreprises ou les particuliers de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements ;

b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté, ou toute sanction ou autre effet. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 14 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises pour ralentir la propagation du virus Covid-19 ;

c) Adaptant, aux seules fins de limiter pendant la durée de propagation du virus Covid-19 les contacts physiques entre les personnels des juridictions, et entre ces derniers et les justiciables, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure, à la publicité des audiences, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions en matière civile, sociale et commerciale ;

d) Adaptant, aux mêmes fins, les règles relatives au déroulement des gardes à vue, au déroulement et à la durée des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance électronique, pour permettre l’intervention à distance de l’avocat, la prolongation de ces mesures sans présentation, devant les magistrats compétents et l’allongement des délais d’audiencement ;

e) Aménageant aux mêmes fins les règles relatives à l’exécution des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires et les règles relatives à l’exécution des mesures de placement et autres mesures éducatives prises en application de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;

f) Simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants des personnes morales de droit privé se réunissent et délibèrent, ainsi que du droit des sociétés relatif à la tenue des assemblées générales ;

g) Simplifiant, précisant et adaptant les règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé sont tenus de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi que d'adapter les règles relatives à l'affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ;

h) Adaptant les dispositions relatives à l’organisation de la Banque publique d’investissement créée par l’ordonnance 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement afin de renforcer sa capacité à accorder des garanties ;

i) De simplification et d’adaptation du droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales, notamment les règles relatives à la tenue des réunions dématérialisées ou le recours à la visioconférence ;

j) D’adaptation du droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité de réunion des assemblées générales de copropriétaires ;

k) Dérogeant aux dispositions du chapitre III du titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime afin de proroger, pour une période n’allant pas au-delà du 31 décembre 2020, la durée des mandats des membres du conseil d’administration des caisses départementales de mutualité sociale agricole, des caisses pluridépartementales de mutualité sociale agricole et du conseil central d'administration de la mutualité sociale agricole.

l) Permettant aux autorités compétentes pour la détermination des modalités d'accès aux formations de l'enseignement supérieur, des modalités de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur ou des modalités de déroulement des concours ou examens d’accès à la fonction publique d’apporter à ces dernières toutes les modifications susceptibles de garantir la continuité de leur mise en œuvre, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats.

On signalera que le projet de loi envisage aussi des dispositions visant :

- Les parents devant faire garder leurs jeunes enfants, en particulier dans le contexte de fermeture des structures d’accueil du jeune enfant ;

- L’accompagnement et la protection des personnes en situation de handicap et des personnes âgées vivant à domicile ou dans un établissement ou service social et médico-social, des mineurs et majeurs protégés et des personnes en situation de pauvreté ;

- Les assurés sociaux et l’accès aux soins et aux droits par des mesures dérogeant aux textes pour adapter les conditions d’ouverture, de reconnaissance ou de durée des droits relatifs à la prise en charge des frais de santé et aux prestations en espèces des assurances sociales ainsi que des prestations familiales, des aides personnelles au logement, de la prime d’activité et des droits à la protection complémentaire en matière de santé ;

- L’indemnisation des victimes ;

- Le fonctionnement des institutions locales et l’exercice de leurs compétences, ainsi que la réglementation budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux.

On voit là que le programme est vaste…

De toute évidence, la crise sanitaire impose d’adapter nos textes législatifs et règlementaires.

Mais, on ne peut que s’interroger sur l’ampleur de la tâche que s’impose le Gouvernement dans un laps de temps des plus contraints.

Sera-t-il question de mettre en œuvre des solutions stratégiques déjà imaginées ou d’improviser des solutions juridiques à la faveur de l’urgence de la crise sanitaire ?

Les observateurs et les juristes le diront, l’essentiel étant évidemment de ne faire d’entorses à aucune de nos libertés fondamentales et de parvenir effectivement à l’objectif prioritaire que le Gouvernement poursuit : lutter, pour la durée provisoire de l’urgence sanitaire, contre le choc économique, financier et social exceptionnel qu’entraine la grave crise sanitaire sans précédent à laquelle toute la population, hommes, femmes et enfants, et tous les acteurs économiques et institutionnels, grands ou petits, doivent faire face.

A suivre donc, ...les débats parlementaires qui débutent ce jeudi 19 mars.

Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Ancien président de la Conférence Régionale des Bâtonniers de Normandie
adestremy@emo-avocats.com


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