La fixation d'une pension alimentaire reste de la compétence du Juge aux affaires familiales

La fixation d'une pension alimentaire reste de la compétence du Juge aux affaires familiales

En cas de séparation des parents (qu’ils soient mariés ou vivant en concubinage), la fixation du montant de la pension alimentaire due par celui qui ne bénéficie pas de la résidence habituelle des enfants est depuis toujours source d’un abondant contentieux.

Le Juge aux Affaires Familiales doit se plonger, à la demande des parties, sur de fastidieux comptes relatifs à leurs ressources et à leurs charges pour apprécier dans quelle mesure il pouvait être satisfait aux besoins de l’enfant.

Ce contentieux était incontestablement chronophage pour des juges que le temps méritait d’être consacré à la résolution de litiges plus techniques.

Un virage fondamental a été pris par le Ministère de la Justice en 2010.

Il a pris l’initiative de proposer une table de référence indicative et simple, révisée tous les ans, permettant de déterminer le montant de la pension selon les ressources du débiteur et les modalités de garde des enfants.

La tentation était forte d’en systématiser l’application à tel point que le recours au juge ne se serait même plus justifié…

Motivé par un souci croissant d’économie du budget de la justice, le gouvernement s’y est essayé avec la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.

Nonobstant les multiples critiques que le projet avait suscitées, l’article 7 de cette loi prévoyait (il est vrai à titre expérimental, mais pour combien de temps… ?) de confier aux caisses d’allocations familiales de certains départements, la fixation de la pension alimentaire.

Les parents devaient s’adresser à cet organisme, qui aurait appliqué le barème avec la faculté de contester sa décision devant le Juge aux Affaires Familiales.

Ce n’était pas sans poser deux difficultés majeures.

D’une part, la Caisse d’Allocations Familiales ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises d’un juge.

Loin s’en faut puisqu’elle est même juge et partie.

En effet, lorsque le débiteur de la pension alimentaire est défaillant, c’est la CAF qui doit s’y substituer en versant l’allocation de soutien de famille.

Autant dire que l’organisme social n’a pas intérêt à ce que les pensions soient fixées à un niveau qui mettrait davantage en péril le difficile équilibre budgétaire auquel elle doit s’astreindre en permanence !

D’autre part, il y avait une violation manifeste du principe de séparations des pouvoirs en déléguant et privatisant une fonction juridictionnelle.

C’est sur ce fondement contraire à l’article 16 de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789, que le Conseil Constitutionnel n’a pas hésité à invalider l’article 7 de la loi du 23 mars 2019.

Ce contentieux relève toujours de l’imperium du Juge aux Affaires Familiales.

C’est heureux car le barème ne doit pas être systématiquement appliqué.

Et les tribunaux savent faire preuve de discernement en tenant compte de circonstances particulières justifiant qu’ils statuent sur le montant qu’ils peuvent fixer en tout liberté, au regard des recommandations qui pourraient résulter dudit barème.

Pour toute question, vous pouvez contacter :

Marie-Noëlle CAMPERGUE
Avocat associé
Chargée du Pôle Droit de la Famille au sein du cabinet EMO AVOCATS
echauvin@emo-avocats.com

Pascal MARTIN-MENARD
Avocat associé
Chargé du Pôle Droit Civil au sein du cabinet EMO AVOCATS
pmartin@emo-hebert.com

DÉCISION N° 2019-778 DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 21 MARS 2019