Étonnant rejet d'une demande de divorce car elle était trop détaillée

Étonnant rejet d'une demande de divorce car elle était trop détaillée

L’esprit de la loi sur le divorce du 26 mai 2004, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, tendait au 1er chef à pacifier les procédures.

Elle tendait aussi à permettre une issue amiable sans que d’emblée les chances de succès en soient obérées, l’expression souvent agressive des faits ayant conduit à la rupture du couple pouvant être finalement inopportune.

C’est ainsi qu’il était ajouté à l’article 1106 du Code de procédure civile ceci :

« La requête n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce ni les faits à l’origine de celle-ci. » (Exigence réitérée par l’article 251 du code civil).

Bien que le texte ne prévoie pas de sanction, c’est à bon droit que le Juge aux affaires familiales a pu sanctionner par l’irrecevabilité une requête en divorce qui, au fil de ses 15 pages, exposait l’ensemble des griefs de l’épouse à l’encontre de son conjoint.

Le juge a en effet considéré qu’il y avait là une tentative « d’obtenir du juge un examen plus favorable des demandes pécuniaires présentées par la requérante au titre des mesures provisoires et (cela) ne peut être considéré comme tolérable au titre de l’exposé sommaire des motifs ».

Rappelons qu’en matière de divorce, la loi n’en finit pas de vouloir « pacifier » les procédures.

C’est ainsi que la loi interdit au demandeur en divorce (au stade de l’engagement de la procédure) d’énoncer les griefs qu’il formule contre conjoint. Il doit se borner à soutenir qu’il existe des faits, justifiant sa demande, sans avoir à les décrire.

S’il va au-delà d’un exposé « sommaire », il s’expose à … être débouté de sa demande.

C’est donc ce que vient de juger un Tribunal, en considérant que la requête en divorce (qui faisait 15 pages) traduisait un excès de détails contraire à la loi, en ce qu’il constituait une tentative d’influencer le juge.

Soulignons que cette interdiction concerne le début de la procédure, c’est-à-dire avant la tentative légale de conciliation. Si celle-ci échoue et que le divorce « part en contentieux », bien évidemment cet exposé détaillé sera pleinement possible, voire souhaitable.

Mais il ne l’est pas au début du procès, tout simplement parce que la loi s’efforce avant tout de dépassionner le débat entre époux.

Remarquons que cette sanction est originale, car elle n’est pas formellement prévue par la loi, mais logiquement déduite par le tribunal de l’esprit de ladite loi.

« Pacifier », vous avez dit « pacifier » : nul doute que l’époux débouté risque ne pas vraiment l’être à la lecture du jugement. Mais celui-ci en définitive ne fait qu’appliquer l’adage connu « Qui veut trop prouver … ne prouve rien ».

Mare-Noëlle CAMPERGUE,
Avocat associée
mncampergue@emo-hebert.com