« Si les réponses apportées par le médecin du travail postérieurement au constat d'inaptitude, sur les possibilités éventuelles de reclassement du salarié déclaré inapte, concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation, elles ne dispensent pas cet employeur de toute recherche de reclassement ». C’est l’enseignement qui doit être tiré d’un arrêt rendu récemment par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc. 3 mai 2018, n°17-10234).
Explications.
Lorsqu'un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur doit rechercher un poste de reclassement en tenant compte des préconisations du médecin du travail (articles. L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail).
Il appartient à l'employeur, en cas d'incertitude sur l'aptitude du salarié à occuper l'emploi de reclassement proposé ou sur les postes disponibles compatibles avec les capacités résiduelles du salarié, de solliciter à nouveau le médecin du travail.
L'existence d'un dialogue entre l'employeur et le médecin du travail après l'avis d'inaptitude sur les postes de reclassement pouvant être proposés est un élément pris en compte par les juges pour en déduire que l'employeur a effectué des recherches sérieuses de reclassement et qu’il a ainsi respecté son obligation de reclassement (Cass. soc., 27 janv. 2016, n°14-20.852).
Toutefois cela ne suffit pas.
Dans son arrêt du 3 mai 2018, la Cour de cassation vient dire que, si, dans le cadre de ce dialogue, les réponses que le médecin du travail apporte après avoir constaté l'inaptitude du salarié sur les possibilités éventuelles de le reclasser concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation, elles ne dispensent pas cet employeur de toute recherche de reclassement.
La Cour de cassation pose le principe d’une obligation de reclassement renforcée.
En l'espèce, après l'avis d'inaptitude d'un de ses salariés, l'employeur avait sollicité le médecin du travail afin d'être éclairé précisément sur l'existence d'activités ou de tâches compatibles avec l'état de santé du salarié. A la suite de la réponse négative du médecin du travail, l'employeur avait, dans ces conditions, procédé au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du salarié.
Pour l'employeur, la réponse négative du médecin du travail suffisait à justifier l'impossibilité de reclassement.
Et, la lettre de licenciement indiquait clairement que l'employeur s'était dispensé de toute recherche de reclassement préalable au licenciement pour inaptitude, au vu de l’avis médical défavorable. On aurait pu penser de prime abord qu’il n’y avait pas de reproches à lui faire car l’employeur s'en était tout simplement remis à l'avis du médecin du travail en estimant ne pas pouvoir proposer un reclassement. Or, ce faisant, il n’avait pas identifié de postes susceptibles d'être proposés au sein du groupe ou ni même tenté d'identifier une solution de reclassement au sein du groupe.
Les juges en ont déduit que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement et que le licenciement était, par conséquent, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il résulte de cet arrêt que, quelles que soient les préconisations et réponses apportées par le médecin du travail, l’employeur doit toujours procéder aux recherches de solutions de reclassement et consulter les délégués du personnel ou le CSE, avant d’engager une procédure de licenciement pour inaptitude.
La solution peut apparaître sévère, mais elle est assez logique.
En effet, la loi ne prévoit que deux cas de dispense de recherches de solutions de reclassement. Il faut en effet que le médecin du travail indique dans son avis d’inaptitude que :
Tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.
L’une des ces deux mentions précisées par le médecin du travail doivent être indiquées dans la lettre de licenciement.
En dehors de ces cas, l’employeur doit réellement rechercher des solutions de reclassement.
A défaut, le licenciement sera infondé.
Pour vous conseiller et vous assister dans le cadre d’une procédure de reclassement et de licenciement de salariés déclarés inaptes, l’équipe du pôle social du cabinet EMO HEBERT & Associés se tient à votre disposition.
Mieux vaut un contact en amont pour anticiper les situations à risque afin d’éviter le contentieux.
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Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocate associée responsable du Pôle Droit Social & Sécurité sociale au sein du cabinet EMO HEBERT
Spécialiste en droit du travail
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Elise LAURENT
Avocate
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