La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste vient d’être publiée au JO et crée la notion de prescription prolongée de l’action publique

La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste vient d’être publiée au JO et crée la notion de prescription prolongée de l’action publique

Cette loi a beaucoup animé les débats de l’Assemblée nationale et du Sénat, ces derniers mois, mais c’est pratiquement à l’unanimité qu’elle a été adoptée.

Largement inspirée des propositions de loi de la sénatrice Annick Billon, de celles des députés Isabelle Santiago et Alexandra Louis, cette loi qui vient d’être publiée au Journal Officiel vise à mieux protéger les mineurs victimes de crimes ou de délits sexuels et de l'inceste.

Le Conseil National des Barreaux, entendu à la Commission des Lois, y a apporté sa contribution comme toutes les personnalités du monde judiciaire et associatif qui ont participé à la construction de ce texte qui marque un réel tournant dans le dispositif de répression de la pédocriminalité

Quelles sont les grandes lignes de la loi du 21 avril 2021 ?

On retiendra notamment :

- L’insertion de dispositions qualifiant les crimes ou délits incestueux en tant que tels, et non comme une simple circonstance aggravante (1)

- La prise en compte de tout acte bucco-génital comme élément matériel constitutif du viol en plus de tout acte de pénétration sexuelle déjà incriminé de longue date (2)

- L’âge seuil de 15 ans en dessous duquel il ne peut y avoir chez un mineur aucun consentement à des relations sexuelles avec un adulte ou tout autre personne ayant plus de 5 ans d’écart d’âge (3)

- La prise en compte de la prostitution de mineurs comme circonstances incriminantes ou aggravantes (4)

- La notion de sextorsion sur Internet et les réseaux sociaux qui permet de réprimer des abus commis à distance sur des mineurs par le biais des outils de la communication numérique (5)

- La création de la notion de « prescription prolongée » de l’action publique en cas de crimes ou délits sexuels en série, permettant à une victime d’un fait de viol, d’inceste, d’agression ou d’atteinte sexuelle de déposer plainte dans le délai de prescription du fait nouveau imputé au même agresseur, voire de bénéficier d’une interruption de la prescription si le fait nouveau a donné lieu par exemple à l’ouverture d’une enquête, d’une instruction ou d’un jugement de ce même agresseur (6).

A quoi correspond la nouvelle prescription dite "prolongée" de l'action publique qu'institue la loi du 21 avril 2021 ?

La notion de prescription prolongée de l’action publique est sans doute l’une des dispositions les plus originales de la loi.

Le législateur n’a pas retenu l’idée défendue par certains parlementaires de rendre imprescriptibles les crimes et délits sexuels, mais a préféré retenir celle d’une prolongation de la prescription en cas de nouveau crime ou délit sexuel commis par le même auteur sur une nouvelle victime.

L’article 10 la loi du 21 avril 2021 modifie le 3ème alinéa de l’article 7 du Code de procédure pénale en indiquant que :

« s'il s'agit d'un viol, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l'expiration de ce délai, d'un nouveau viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle, le délai de prescription de ce viol est prolongé, le cas échéant, jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction ».

Après le troisième alinéa de l'article 8, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, s'il s'agit d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle commise sur un mineur, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l'expiration des délais prévus aux deuxième et troisième alinéas du présent article, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle, le délai de prescription de la première infraction est prolongé, le cas échéant, jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction.

L'action publique du délit mentionné à l'article 434-3 du code pénal se prescrit, lorsque le défaut d'information concerne une agression ou un atteinte sexuelle commise sur un mineur, par dix années révolues à compter de la majorité de la victime et, lorsque le défaut d'information concerne un viol commis sur un mineur, par vingt années révolues à compter de la majorité de la victime. ».

Enfin, l'article 9-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le délai de prescription d'un viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par l'un des actes ou l'une des décisions mentionnées aux 1° à 4° intervenus dans une procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur. ».

En clair, comment la nouvelle prescription joue-t-elle ?

Le nouveau dispositif prévoit que la première victime d’un pédocriminel puisse bénéficier d’une prescription prolongée par la commission par celui-ci d’un fait nouveau et, selon le cas :

- le nouveau délai de prescription sera calqué sur celui du fait nouveau (30 ans en cas de crime sexuel ou 20 ans en cas de délit sexuel) ou bien ;

- un nouveau délai de prescription sera identique à celui applicable pour le fait dont elle a été victime lui, en cas de dépôt de plainte par la nouvelle victime, d'ouverture d’une enquête préliminaire par le Procureur de la République, d’une information judiciaire par un Juge d'instruction ou de prononcé d’une décision de condamnation pour le fait nouveau commis par ce pédocriminel (puisque ces actes ou décisions sont interruptives de prescription).

Ce dispositif est original et bénéficiera très probablement à de nombreuses victimes qui ont du mal à libérer leur parole dans le temps initial du délai de prescription institué dans le Code de procédure pénale.

On rappellera qu’en l’état actuel du droit, l’action publique se rapportant à un mineur victime d’un crime ou délit sexuel ou d’un inceste peut être engagée jusqu’au 38 ans de celui-ci pour les faits qualifiés de délictueux et jusqu’à ses 48 ans pour les faits criminels.

Avec la loi nouvelle, ces délais pourront donc être prolongés le cas échéant, de 20 ou 30 ans supplémentaires à compter de la date de commission du fait nouveau ou d’un acte interruptif de prescription, en cas de commission sur un autre mineur par le même auteur.

Naturellement, ce dispositif satisfait la volonté du législateur de mieux réprimer les crimes ou délits sexuels commis en série. 

En clair, une nouvelle chance est donnée à la première victime de se joindre à l'action publique engagée au nom de la seconde victime d'acte pédocriminel. 

Ce nouveau dispositif répond-il à toutes les situations ?

Non sans doute, mais c’est une avancée pour les victimes.

Le législateur aurait pu penser aussi à un autre dispositif spécifique permettant de suspendre la prescription de l'action publique en cas d’empêchement pour le mineur victime à exercer pleinement ses droits, même au moment où il est devenu adulte, en raison par exemple de pressions familiales, sociales ou psychologiques graves.

Ainsi, L’article 9-3 du Code de procédure pénale dispose que « Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription. Tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure »

Dans la mesure où le dispositif actuel de la loi fait dépendre la prolongation de la prescription à l’hypothèse (forcément aléatoire) de la commission par le même auteur d’une nouvelle infraction sexuelle sur un mineur, le législateur aurait pu envisager de créer un dispositif spécifique aux victimes mineures de crimes ou délits en cas d’obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure.

On pourrait alors considérer que la prescription de l’action publique puisse être suspendue, tout et autant que soient démontrés des actes (probablement de l’auteur des faits ou de son entourage) conduisant à maintenir sous le secret la victime pour l’empêcher de parler.

C'est une piste qui avait été proposée lors de l'Assemblée Générale du 12 mars 2021 au Conseil National des Barreaux (CNB).

Le législateur pourra peut-être creuser cette piste dans les mois ou les années à venir. 

Vers de nouvelles dispositions législatives... ?

Oui, la loi du 21 avril 2021 constitue une étape dans le dispositif législatif tendant à la répression de la pédocriminalité.

Une mission interministérielle consacrée au thème de "l’inceste" est actuellement en cours.

Elle pourra très probablement déboucher sur de nouvelles propositions législatives tendant principalement à la prévention, mais également à la répression de ces crimes et délits sexuels.

De tous sens, en l’état du si difficile parcours des jeunes victimes sexuelles et parfois des problèmes à réunir les moyens de preuve nécessaires à la culpabilité d'un mis en cause, il est compliqué de s’assurer des suites qui pourraient être données à des plaintes déposées plusieurs dizaines d'années après des faits. Les chances d’aboutir à un procès, l’insuffisance de preuves déterminantes ou l’âge de l’auteur sont parfois autant d'obstacles bien lourds à surmonter.

La réponse pénale doit être effective et les Avocats ont toujours prôner un accès au droit, effectif et réel. Il en va de l'intérêt des victimes comme des personnes mises en cause.

Ainsi, faut-il favoriser la prévention, inciter les victimes à libérer leur parole le plus tôt possible, offrir toute l’assistance juridique nécessaire et, surtout, donner à la Justice les moyens nécessaires à la manifestation de la vérité pour que l’accès au droit soit effectif et réel. 

En cas de besoin, les avocats sont là pour vous accompagner

Vous conseiller, vous défendre et vous apporter l’assistance nécessaire dans le cadre de procédures à engager ou en cours, c’est le mandat que vous pouvez confier à votre avocat.

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Arnaud de SAINT REMY
Avocat Associé – Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats
Vice-Président de la Commission Libertés & Droits de l'Homme au Conseil national des barreaux
adestremy@emo-avocats.com


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