Coronavirus Covid-19 et santé au travail : L’employeur peut-il contrôler la température de ses salariés ?

Coronavirus Covid-19 et santé au travail : L’employeur peut-il contrôler la température de ses salariés ?

Comment, quand, qui ? beaucoup de questions sur ce sujet restent à éclaircir…même si les contours de la procédure commencent à se dessiner.

En réaction à la crise sanitaire actuelle et aux recommandations du Ministère des Solidarités et de la Santé qui préconise de surveiller sa température deux fois par jour, certains employeurs, au titre de leur obligation de sécurité (article L.4121-1 du Code du travail), ont mis en place des contrôles de température à l’entrée des entreprises.

Ces contrôles sont-ils autorisés ?

Oui.

Le Ministère du travail indique que « la prise de température est une mesure préventive qui vise à écarter du milieu de travail des salariés qui auraient de la fièvre, dans la crainte d’une contamination ».

C’est à ce titre que le Ministère du travail précise également que « les entreprises, dans le cadre d’un dispositif d’ensemble de mesures de précaution, peuvent mettre en œuvre un contrôle systématique de la température des personnes entrant sur leur site ».

Toutefois, la mise en place d’une telle mesure de prévention est possible sous réserve du respect de certaines conditions.

Avant tout, ce dispositif doit être conforme aux dispositions de l’article L.1121-1 du Code du travail : « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Quelle est la procédure à respecter pour instaurer de tels contrôles ?

Avant la mise en place d’une telle mesure, le Ministère du travail préconise d’appliquer la procédure accélérée de modification du règlement intérieur, prévue à l’alinéa 2 de l’article L.1321-1 du Code du travail, « lorsque l’urgence le justifie ».

Par ailleurs, il conviendra d’informer préalablement les salariés sur l’instauration des contrôles et de ses conséquences. Cette information pourra se faire par tout moyen permettant une large diffusion, notamment par le biais d’une note de service, par voie d’affichage, par un message diffusé sur l’intranet ou par l’ajout d’une nouvelle clause au règlement intérieur.  

Cette information devra être complète et préciser notamment à partir de quelle température les salariés ne pourront plus accéder aux locaux. A cet égard, il conviendra toutefois d’être vigilant dans la mesure où l’INRS a précisé que « ces mesures préventives, qui conduiraient certains salariés à se voir refuser l’accès à leur entreprise en raison de leur état de santé, pourrait être considérées comme discriminatoires ».

Quid des données recueillies dans le cadre de ces contrôles de température ?

Le 6 mars 2020, la CNIL a indiqué que « les employeurs doivent s’abstenir de collecter de manière systématique et généralisée, ou au travers d’enquête et demandes individuelles, des informations relatives à la recherches d’éventuels symptômes présentés par un employé/agent et ses proches ».

Il ne faut donc pas conserver les données recueillies au-delà de leur prise de connaissance (c’est-à-dire après la prise de température), ce qui devrait permettre d’écarter la qualification de « traitement de données » au sens du RGDP et de la loi informatique et libertés.

Quels sont les outils utilisés pour procéder à ces contrôles ?

Tous les dispositifs utilisés devront être sans contact pour éviter toute transmission d’agent infectieux.

Il conviendra donc d’utiliser la technologie infrarouge puisque les thermomètres infrarouges permettent de mesurer la température rapidement, à distance et sans toucher la personne que l’on veut tester.

Les salariés peuvent-ils refuser de se soumettre à un tel contrôle ?

La CNIL a récemment rappelé qu’on ne peut pas relever la température sans le consentement du salarié, ni même la stocker sans l'intervention d'un médecin. 

Se pose ensuite la question des conséquences du refus d’un salarié de se soumettre au contrôle de température. Cette question relève de la compétence de l’employeur, mais suscite encore de nombreuses difficultés en pratique.

En effet, le salarié est en droit de refuser un tel contrôle. Son refuse n’est pas constitutif d’une faute à proprement parler.

Se pose donc la question de savoir ce que peut concrètement faire l’employeur.

En pratique, il devra demander au salarié concerné de rentrer chez lui et l’inciter à consulter immédiatement un médecin qui se prononcera sur la compatibilité de l’état de santé du salarié avec son activité professionnelle ou, si l’état de santé du salarié le justifie, le placer en arrêt de travail.

Pour tous renseignements et tout accompagnement à ce sujet, contactez :

Emmanuelle DUGU-CHAUVIN
Avocat associé spécialiste en droit social
En charge du Pôle social et du Pôle Santé-Sécurité au travail au sein du cabinet EMO AVOCATS
echauvin@emo-avocats.com

Camille Lambert
Juriste en alternance Master 2 droit social droit de L’Entreprise