Que dit la loi ?
Nous avions annoncé, dans un article paru le 24 septembre 2014 sur notre site, que la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens avait posé le principe selon lequel le silence gardé par l’administration sur une demande valait accord.
Rappelons simplement que, désormais, les services de l'Etat et de ses établissements publics seront tenus de répondre aux demandes qui leur seront faites dans un délai maximum de deux mois ; au-delà, leur silence vaudra accord.
C’est un renversement de la règle, veille de 150 ans, qui s’imposait jusqu’alors selon laquelle « silence vaut rejet ».
Cette révolution se voulait en faveur des particuliers et des entreprises qui ne verront plus leurs droits limités par l’inertie administrative.
Nous avions précisé que ces nouvelles dispositions s’appliqueront à compter du 12 novembre 2014 aux demandes adressées aux administrations de l’État et de ses établissements publics.
Pour autant, la parution des décrets d’applications était attendue.
C’est chose faite.
Bien que datés du 23 octobre, les décrets ne sont sortis que dix jours après cette communication. Un retard que l'on comprend aisément, au regard de l'ampleur du chantier : 1.200 régimes d'autorisation concernés par ce nouveau fonctionnement, sur un total de 1.900 procédures d’autorisation recensées.
Le Gouvernement vient de publier la « liste des procédures pour lesquelles le silence de l’administration vaut accord » (à retrouver dans notre site, sous l'onglet Documentation, et à lire aussi la circulaire du 12 novembre 2014).
Elle recense l’ensemble des procédures qui appliquent le principe.
Les procédures sont classées dans l’ordre des textes qui les régissent, en distinguant celles qui sont prévues par un code et celles qui sont prévues par une loi ou un texte réglementaire non codifié.
La nouvelle règle connaît toutefois des exceptions !
Attention, il y a de nombreux régimes dérogatoires.
À noter en effet qu’une quarantaine de décrets listant les exceptions à l’application de ce principe ont également été publiés au Journal officiel du samedi 1er novembre 2014.
C’est près de 700 exceptions, recensées par 42 décrets émanant du Premier ministre et de 14 ministres.
Pour résumer, les décrets fixent trois types d'exception à la nouvelle règle générale "silence vaut accord" :
Premier type d'exception, deux mois de silence de l'administration continueront à signifier un refus pour certaines procédures.
Deuxième type d’exception, le silence pourra toujours valoir refus, mais à l'issue d'un délai autre que le délai de deux mois (parfois plus court, parfois plus long) : Lorsque les décrets vont par trois (ce qui est le cas pour la quasi-totalité des ministères concernés), ce sont le premier et le troisième de la série qui fixent ces exceptions, respectivement « pour des motifs tenant à l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration » et en vertu du « respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public ».
Enfin, troisième type d'exception : pour certaines procédures, le silence vaudra bien accord, mais à l'issue d'un délai autre que deux mois (parfois moins, parfois plus) : Lorsque les décrets vont par trois, c'est le deuxième décret qui recense les autorisations objet de cette exception "pour des motifs tenant à l'urgence ou à la complexité de la procédure".
Que se passe-t-il du côté des collectivités territoriales ?
Nous avions signalé, par ailleurs, que pour les collectivités territoriales, comme pour les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d’une mission de service public, la nouvelle règle n'interviendra que dans un an, au 12 novembre 2015.
Pour autant, les collectivités et leurs partenaires, notamment associatifs, sont d'ores et déjà intéressés, et à plusieurs titres, par l'évolution du fonctionnement des administrations centrales.
Tout d'abord, nombre de procédures d'autorisations les concernent directement puisque, bien souvent, la mise en œuvre de leur action les oblige à solliciter l'accord de l'Etat dans des domaines variés (pour l'ouverture d'un établissement recevant du public notamment).
En outre, pour certaines politiques mises en œuvre de façon conjointe par des administrations déconcentrées et décentralisées, l'évolution des régimes d'autorisation régies par l'Etat et s'imposant aux administrés peut conduire très rapidement les collectivités à revoir leurs propres procédures (tarification et gestion des établissements médico-sociaux par exemple).
Plus globalement, dans la mesure où les collectivités ont encore un an pour se préparer à modifier leurs propres pratiques de délivrance d'autorisations, l'expérience de l'Etat, tant au niveau des choix effectués que dans la méthode suivie, peut utilement servir de terrain d'observation.
En effet, certaines difficultés apparaissent déjà à ce stade. Le nombre important d'exceptions démontre ainsi qu'il n'est pas aisé, pour les ministères, de concilier sécurité juridico-administrative et atteinte de l'objectif initial.
En conclusion
Dans cet enchevêtrement de dispositions, mieux vaut se méfier des règles… et des exceptions !
Un seul conseil : Faites-vous aider.
Pour tous renseignements,
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Maître Sandrine GILLET
Chargée du Pôle Droit Public au sein du cabinet EMO HEBERT & ASSOCIES
Titulaire du Certificat de spécialisation Droit Public
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