La prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail à l'initiative du salarié n'est soumise à aucun formalisme

La prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail à l'initiative du salarié n'est soumise à aucun formalisme

Outre la démission, la jurisprudence a consacré par une série d’arrêts rendus par la Cour de Cassation le 25 juin 2003, la faculté pour le salarié de rompre unilatéralement son contrat de travail.

Il peut en faire usage lorsqu’il s’estime victime de faits imputables à son employeur qui empêche le maintien de la relation salariale.

Cette modalité correspondant à une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, expose le salarié à une alternative.

(1) Soit les faits qu’il invoque la justifiait et la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences en résultant en termes d’indemnisation.

(2) Soit les griefs ne caractérisaient pas des torts à la charge de l’employeur, et cela emporte les effets d’une démission.

La Cour de Cassation a rendu un avis d’importance le 3 avril 2019 sur les formalités incombant au salarié.

Sa Chambre Sociale était saisie d’une question posée par le Conseil de Prud’hommes de NANTES.

Il interrogeant la Cour de cassation sur la nécessité préalable pour le salarié de mettre en demeure son employeur de respecter ses engagements, avant de pouvoir lui notifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail à ses torts.

En réalité, la question se posait depuis la réforme du droit des contrats résultant d’une ordonnance du 10 février 2016.

En effet, comme son nom l’indique, le contrat de travail est avant tout un contrat.

Tout contrat est soumis au régime de droit commun résultant des articles 1101 et suivants du Code Civil.

L’article 1105 précise explicitement que :

« Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre.
Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d’eux.
Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières ».

En somme, les règles générales du droit des contrats s’appliquent par principe, sauf à ce que des particularités propres à certains contrats ne justifient qu’il y soit dérogé.

Or, le Code Civil soumet à des conditions précises la faculté de résiliation unilatérale d’un contrat.

L’article 1226 prévoit que :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ».

Il en résulte notamment que :

 Une mise en demeure préalable est impérative « sauf urgence ».
 La notification de la résolution du contrat doit être motivée.

Fallait-il désormais contraindre le salarié à respecter ces obligations ?

La Cour de Cassation répond par la négative dans son avis du 3 avril 2019, aux motifs que :

« Les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du Code Civil ne leur sont pas applicables ».

Les puristes déploreront une entorse qui ne se justifierait pas au droit des contrats.

Il faut en retenir l’œuvre pragmatique de la Cour de Cassation qui n’a pas voulu soumettre le salarié à des exigences formelles qui ne seraient pas adaptées au contexte d’une rupture d’un contrat de travail.

En pratique, le salarié n’est pas tenu de mettre préalablement en demeure son employeur ni de justifier de ses motivations lorsqu’il prend sa décision.

Pour autant, il ne doit pas oublier qu’il prend cette décision à ses risques et périls…

En cas de désaccord sur la pertinence des reproches qu’il fait à son employeur, ce sera au Conseil de Prud’hommes d’en apprécier a posteriori le bien ou le mal fondé…

Pour toute question, vous pouvez contacter :

Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN
Avocat associé
Spécialisée en Droit du Travail chargée du Pôle Droit Social au sein du cabinet EMO AVOCATS
echauvin@emo-avocats.com

Pascal MARTIN-MENARD
Avocat associé
Chargé du Pôle Droit Civil au sein du cabinet EMO AVOCATS
pmartin@emo-hebert.com

AVIS N° 15003 DU 3 AVRIL 2019 - CHAMBRE SOCIALE (DEMANDE D’AVIS N° F 19-70.001)